• Osez Joséphine ! (2/2)

    Osez Joséphine ! (2/2)

    Pour Robert Le Flers, ce n’est pas à l’humanité primitive que fait penser le spectacle mais à une « humanité dégénérée ». Avec « des êtres minables, métissés ou réglissés qui ne donnent en aucun cas l’impression d’être des sauvages ingénus s’ébattant au seuil de la forêt vierge mais des paumés de la Civilisation ». D’ailleurs pour Roger Le Flers ce succès inouï à Paris serait impossible aux Etats-Unis. 

     

    3. Déjà star, déjà capricieuse

    Forte de sa soudaine célébrité, Joséphine Baker devient une vedette et se comporte immédiatement comme telle. Ainsi, elle ne respecte pas ses contrats et n’en fait qu’à sa tête. À tel point qu’elle se retrouve régulièrement devant les tribunaux pour répondre à diverses assignations. 

    Ainsi dès mars 1926 la danseuse est attaquée par sa « protectrice » Caroline Duddley qu’elle trahit en quittant sans brutalement troupe de la Revue nègre en pleine tournée. Après Nice, c’est à Berlin au début de l’année 1926 que la troupe se produisait. Lassée, Joséphine est revenue secrètement à Paris pour signer un nouveau contrat en vue de participer à une revue concurrente aux Folies Bergères, sous la direction de Louis Lemarchand. Mais, devant les prud’hommes et sous les foudres de Caroline Duddley, elle s’en tire dans la mesure où son avocat fait valoir qu’elle était mineure à la signature de son contrat avec la Revue nègre et que celui-ci n’est pas légal. 

    Le succès du nouveau spectacle auquel elle prend part, « La folie du jour » (2 actes, 45 tableaux), est souligné par André Rivollet dans L’Intransigeant, ce qui confirme sa bonne adaptation à la France et à ses mœurs, de telle sorte qu’elle est un peu plus sage sur scène, moins « provocatrice » selon le Figaro. Le Tout-Paris l’appelle désormais « Joséphine » : Henri Jeanson fustige ce snobisme selon lui mal venu, voire malsain.

    L’homme de lettres François Ribadeau-Dumas (1904-98) offre l’un des premiers reportages nous faisant entrer dans l’intimité de Joséphine dans les pages littéraires et artistique du quotidien volontiers humoristique La Lanterne. En compagnie du caricaturiste Pierre Payen (1902-44) qui croque son portrait, le journaliste est allé à sa rencontre dans son petit hôtel du Parc Monceau.Osez Joséphine ! (2/2)

    À midi elle dormait encore, mais, une fois réveillée, en robe de chambre, vive et endiablée, elle parle en anglais et joue avec ses petits chiens, son chat, ses canaris et perruches. Triste après la mort de ses deux poissons rouges, elle parle avec gentillesse et simplicité, sans fard, oubliant qu’elle est une vedette. Elle évoque son amour pour le public français témoignant de sa passion pour son métier.

    Culture physique tous les matins, nage, course, sauts, boxe et danse : le menu est varié. Mais passionnée de vitesse, son sport préféré c’est l’automobilisme.

    Les lecteurs de L’Excelsior suivent pas à pas l’obtention de son permis de conduire en juin 1927. Outre son amour des animaux : serpents, crocodiles, panthères, on apprend que Joséphine aime aller au cinéma.

    Bon cœur, elle se lance déjà dans des actions caritatives comme elle le fera tout au long de sa carrière. Elle organise par exemple un arbre de Noël pour les enfants de policiers aux Folies bergères, avec distribution de jouets à des centaines de bambins pour lesquels elle chante et danse. Le Gaulois, décrit cet après-midi en « noir et blanc » sous le titre « Joséphine et les petits enfants ».

    D’ailleurs, lors des fêtes de fin d’année de décembre 1926, Joséphine Baker bat tous les records avec une nuit de Saint-Sylvestre qui a consacré le « triomphe des Noirs » : notamment au cabaret « Chez Joséphine », proche du Moulin Rouge que lui a offert celui qu’elle a rencontré au cours de l’année, Giuseppe « « Pepito » Abatino (1898-1936), qui deviendra son nouvel impresario et bientôt son mari en juin 1927. À grands coups d’annonces publicitaires dans la presse, Chez Joséphine devient l’un des plus cabarets les plus célèbres de Paris.

    Dans Le Soir, sous le titre « Avec Joséphine au petit matin », Pierre Lazareff propose au lecteur de suivre la star jusqu’au petit matin du réveillon du jour de l’an.

     

    4. Écrire ses mémoires à vingt ans

    La presse adore l’image de Joséphine Baker et les caricatures de son personnage sont nombreuses. Dans L’Intransigeant, la spécialiste de la mode Blanche Vogt met en lumière la vogue de la coupe de cheveux « noix de coco » promue par la danseuse : le cheveu court collé et aplati Osez Joséphine ! (2/2)fait fureur chez les coiffeurs. Il n’est pas rare de rajouter un doigt de cirage noir : on parle alors de « cheveux cirés ».

    On consulte même l’Américaine lors des crues du Mississippi qui touche sa région natale au printemps 1927. Celle-ci propose dans la presse une leçon de géographie que L’Ère Nouvelle ou L’Intransigeant s’empressent de publier. Ce qui suscite l’ironie de nombreux observateurs tel Jacques Barty dans L’Homme Libre, dénonçant le tissu de banalités et d’âneries proférés par la danseuse sur lesquels on s’extasie stupidement.

    Dans une démarche peu banale, dès septembre 1926, Joséphine Baker envisage de publier ses souvenirs : elle veut les écrire à l’âge d’à peine vingt ans. Preuve de son immédiate notoriété, cette opération marketing va aboutir assez rapidement. L’ouvrage, initialement titré Dans le tourbillon noir, sera co-écrit par l’un des journalistes les plus en vue de l’époque, Marcel Sauvage (1895-1988), recruté par L’Intransigeant en 1926. L’actrice se plait à dire qu’il lui a fallu une vingtaine de minutes pour en écrire les deux premières pages avant de dicter la suite.

    Le livre paraît en 1927 aux éditions parisiennes Kra illustré par l’affichiste Paul Colin (1892-1985). L’Intransigeant en livre les « bonnes feuilles ».

    Toutefois une polémique va naître autour d’un propos maladroit qu’elle tient dans l’ouvrage sur les mutilés : 

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    Ces lignes choquent les associations de mutilés de guerre et plus largement l’opinion. « Va-t-il y avoir un nouveau procès Joséphine Baker ? » titre La Patrie. Attaquée, la star se retourne contre Marcel Sauvage, qu’elle juge responsable d’avoir mal retranscrit sa pensée. Se sentant trahi, celui-ci menace de révéler les dessous de ce livre avec des détails croustillants... 

    Les choses rentrent finalement dans le rang : pour se faire pardonner, Joséphine Baker dansera pour l’association des grands mutilés de guerre dans la grande salle du palais d’Orsay à l’approche de Noël 1927.

    Au terme de ses premiers pas en France et de ces deux premières années de notoriété déjà bien remplies entre 1925 et 1927, Joséphine Baker connaîtra un itinéraire aussi intense qu’exceptionnel, tant dans le monde du spectacle – à travers la danse bien sûr, mais bientôt également dans le cinéma et la chanson – que dans ses engagements politiques – son affiliation à la Résistance – ou sa vie privée. Au point de devenir une figure majeure du XXe siècle en France, véritable icône de ce que l’on nommera bientôt la diversité.

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    On peut s’amuser et/ou aimer faire rire, rendre de la joie, mais Joséphine a vu d’un très mauvais œil l’invasion des Allemands durant la Seconde Guerre Mondiale ; elle a souhaité s’associer à la souffrance et à la libération des gens qui l’avaient accueillie en France.

    Madame BAKER, vous avez bien mérité votre place au Panthéon.

     

    Pour en savoir plus :

    Joséphine BAKER (fiche GENEANET)

    Joséphine Baker, une femme libre fait son entrée au Panthéon (Ministère de la Culture)

    Qui sont les femmes célébrées au Panthéon ? (journal Les Echos)

    Liste des personnes transférées au Panthéon de Paris

    Ecouter de la « musique noire » en France au début du XXe siècle (Retronews)

    Joséphine Baker - Première icône noire | Documentaire | ARTE Cinema

    Josephine Baker : une vie

    Joséphine Baker l’artiste, résistante et militante entre au Panthéon • FRANCE 24

    La demeure de Joséphine BAKER

    Joséphine Baker, la résistante

    Joséphine Baker a encore de la famille dans l'Hérault

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