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Identification au traumatisme des petits-enfants de survivants
Voici un petit livre de 115 pages, petit, mais « un peu » compliqué à lire…. Mais totalement dans la continuité de mes recherches généalogiques.
« Cet ouvrage s'intéresse aux effets psycho-traumatiques vécus par les descendants de survivants déportés - et plus précisément, à la 3ème génération – ayant côtoyé la mort des mois ou des années durant. En croisant des travaux pluridisciplinaires de psychanalystes, de sociologues et de médecins, il investigue le vaste sujet du traumatisme, qui demeure en outre d’actualité.
Le psycho-traumatisme se transmet-il ? Quels en sont les effets sur l'ensemble de la lignée familiale d’un vaste massacre humain ? Quel rôle l’enfant parvient-il à se créer au sein de sa famille ; sera t-il en mesure de s’y situer ?
Autant de questions sur lesquelles Marie-Laure Balas-Aubignat s’est penchée, en interviewant une dizaine de petits-enfants de survivants. Un livre qui pourra intéresser toute personne qui a été confrontée, d’une façon ou d’une autre, à un traumatisme collectif, ainsi que tout étudiant ou professionnel en sciences humaines et sociales. »
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L’auteure Marie-Laure Balas-Aubignat – psychanalyste psychologue clinicienne – explique qu’il existe deux types de traumatisme :
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soit le fait d’être confronté à une situation dans laquelle les défenses disponibles ne sont pas suffisantes pour endiguer l’afflux pulsionnel (Freud 1920),
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soit le fait d’être soumis à une entreprise délibérée de destruction de l’enveloppe ; Tobie Nathan en 1991 nomme ce dispositif « logique traumatique ».
Le livre de M-L Balas-Aubignat porte sur ce deuxième type de traumatisme, passant en revue les travaux de différents scientifiques sur le sujet.
F. Sironi (1989) a étudié le système « tortionnaire / torturé » afin d’en dégager les processus intervenant dans le traumatisme intentionnel, en décrivant les techniques utilisées :
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mécanismes de douleurs,
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privations, effroi,
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transgression des tabous culturels et déshumanisation,
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brouillage des repères sensoriels,
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instauration d’un code obsessionnel,
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situation de perversion logique.
Nathalie Zajde ( 1992) identifie les deux premières générations dans la population juive vivant en France :
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les survivants qui ont connu le traumatisme de l’extermination,
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les enfants de survivants,
et discerne leur « double nature » : celle du temps de l’extermination et celle du retour à la vie normale. Elle définit alors les mécanismes de transmission du traumatisme.
Tous les survivants expriment les mêmes temps fondamentaux de déconstruction de la personnalité :
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dépersonnalisation (Cohen, 1953)
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schizophrénie (Bethelheim, 1952)
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anesthésie psychique et dédoublement de la personnalité (Lifton, 1967 et 1986)
Par mesure de protection, les survivants sont donc devenus « un autre », une altérité déstructurante. Après avoir intériorisés leurs cauchemars, ils doivent faire face à un second traumatisme : « celui de l’adaptation quasi immédiate au monde des vivants ».
William G. Niederland en 1968 et Léo Eitinger en 1961 ont étudié les principaux signes psycho pathologiques et traits de personnalité (DSM III / Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ) :
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sentiment de peur, de terreur et d’abandon,
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reviviscence de l’évènement traumatique,
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évitement de stimuli liés à l’évènement,
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hyperactivité neurovégétative,
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rêves traumatiques,
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souvenirs récurrents,
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périodes sensibles au moment des anniversaires,
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états dissociatifs,
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irritabilité particulière,
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perte de la capacité de concentration,
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labilité émotionnelle,
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réduction de la capacité de modulation des affects,
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peurs et soucis injustifiés et excessifs.
Aucune transition entre les deux mondes : avant et après. Les traumatismes ont donc induits chez les survivants ce que Sandor Ferenczi (1982) appelle « un clivage du moi ».
Toutes les douleurs ont été intériorisées : « la torture est utilisée pour faire parler, mais pour faire taire aussi » (F. Sironi 1997)
Les enfants des survivants sont devenus « la crypte » abritant d’indicibles secrets (F. Sironi 1991). Le traumatisme perdure de génération en génération : c’est l’identité négative du survivant qui se « duplique » chez son enfant (N. Zajde 1996) ; les enfants de survivants sont donc condamnés à devenir les garants de l’évènement traumatique (Abraham et Torok 1978) ; l’enfant est un réparateur, un support d’étayage ; il reste collé au traumatisme parental.
« L’enfant est soumis à une telle emprise qu’il se trouve comme confronté à un interdit de symbolisations dans la succession des générations » (J. Altounian, 2000).
Les enfants de survivants occupent une double fonction :
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une fonction vitale : un enfant surinvesti, lorsque par exemple, il porte le même nom qu’un mort de la famille dans le camps,
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une fonction d’oubli : rappeler l’origine, empêcher l’oubli, le déni, afin de ne pas sombrer et accentuer le vide provoqué par les SS.
Et l’auteure conclut : « comme si le petit enfant tentait de réinscrire sa mère (2ème génération) dans les traces de ses parents (1ère génération) pour rétablir un lien, une enveloppe maternante qui lui a fait défaut petite. »
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Bourreaux et victimes de F. Sironi
Traces psychiques, mémoires cryptées et catastrophes historiques (Cairn)
Leo Eitinger, le psychiatre sorti d’Auschwitz
La découverte impardonnable de Ferenczi (Cairn)
Sándor Ferenczi (1873-1933) (France Culture)
Maria Torok, les fantômes de l'inconscient (Cairn)
L’Oeuvre de Nicolas Abraham et Maria Torok
La clinique psychanalytique à partir de l'œuvre de Nicolas Abraham et de Maria Torok (Cairn)
“ La survivance, traduire le trauma collectif ” de Janine Altounian (Cairn)
Tags : traumatisme, survivant, enfant, crypte
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