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Cottage des dunes
Dans la famille Cadoux, il y a
- le père, Jean Baptiste, sous officier en 1885 au 2ème régiment de génie à Montpellier puis officier instructeur à l’École Polytechnique ;
- la mère, Camille, née en 1886, qui a grandi à Marseille où son père travaillait aux chemins de fer pour la Compagnie Paris-Lyon-Méditerranée ; sa mère étant morte en couche, Camille est confiée à une tante qui réside dans le Dauphiné ;
- Lucienne, la petite sœur,
- et puis Marius, le fils, né le 3 août 1891 à La Buissière, petit village de l’Isère, entre le massif La Chartreuse et le Haut-Breda, au cœur des Hautes-Alpes : « il sera militaire. L’armée en cette fin du Second Empire est omniprésente, voie royale pour quitter les champs et aller faire carrière ».
La famille Cadoux s’installe à Paris « à l’ombre du Panthéon, rue de la Montagne-Sainte-Geneviève dans un logement de fonction », mais revient à La Buissière pour l’été.
« Diplôme d’ingénieur en poche, Marius a fêté ses 18 ans lorsqu’il se lance dans le métier » auprès des Chemins de fer. En 1912, pour son service obligatoire, il est incorporé à Briançon, au cœur des Hautes-Alpes pour une durée de deux années. Le soldat Marius fait alors la connaissance de la jeune Houziaux Henriette ; c’est le coup de foudre….
Le couple décide de se marier avant que Marius ne soit enrôlé pour se battre sur les fronts dans cette terrible guerre. Marius n’a pu être libéré de ses obligations militaires et est mobilisé dans le 159ème Régiment d’Infanterie Alpine, tandis que son père Jean-Baptiste (57 ans) reprend du service dans la « territoriale » en qualité d’officier réserviste.
Cependant que les politiques se réfugient à Bordeaux, les soldats montent à l’assaut des Prussiens ; commencent alors l’hécatombe et la boucherie que les états majors s’acharnent à dissimuler aux populations. « ….d’experts gratte-papier sont chargés de réorganiser les effectifs en bouchant les trous, on fait valser les sections, on mixe les compagnies, on réduit les bataillons. Pour assurer la continuité du commandement on accélère les promotions, ensuite on attribue des médailles, des citations, pour l’honneur, pour calmer la grogne qui a commencé bien avant 1917…. »
La fleur au fusil, avaient-ils dit…. Ils devaient rapidement parvenir à Munich pour boire une bière et repousser l’ennemi : ils s’arrêteront à Mulhouse ! Mais la population n’en saura rien ; elle doit ignorer les atrocités, les morts, les mutilés… le bruit des balles qui sifflent à tout va, l’explosion des obus qui déchiquettent les corps….
On ne connaît pas encore Verdun, mais les compagnons de Marius subissent des assauts terribles à la bataille de la Haute-Meurthe . ce 26 août 1914 et les six jours suivants, les soldats se souviendront de la terreur qui régnait, « de l’assommoir d’une artillerie qui les pilonne de loin, méthodiquement ». Pour la 1ère fois, des hommes s’enterrent dans des boyaux pour se protéger des feux ennemis.
C’est l’horreur, la danse macabre continue et pourtant, Marius ne cessera d’écrire à Henriette : « tout va bien »…. Une simple correspondance qui n’incite ni aux confidences ni aux épanchements amoureux : censure oblige.
Après le front d’Alsace et la bataille du Donon, ce sont les collines d’Artois et les batailles de la Somme… Les hommes continuent à avancer, par peur du peloton exécution, mais la colère commence à gronder…. L’offensive allemande se durcit.
Et Marius tombe… l’os iliaque brisé par un obus ; nous sommes en octobre 1914.
De son côté, Henriette se languit. Mais lorsqu’elle apprend la blessure de son mari, elle décide immédiatement d’aller le retrouver et de s’engager auprès de L'Association de secours aux militaires blessés (ex Croix Rouge Française) ; rien ne pourra l’arrêter.
Henriette va jouer de ses relations pour que Marius soit correctement pris en charge, et notamment au Cottage des dunes ; elle y travaillera comme aide infirmière de guerre, mais s’occupera surtout de son mari.
Août 1915, Marius poursuit sa convalescence pour ensuite être renvoyé dans son foyer Grenoblois à l’automne de la même année. Sur son bulletin de sortie, il est notifié « impotence majeure de la jambe droite ».
Henriette a quitté son voile de la CFR et se consacre désormais à sa grossesse…. Marius n’a pas 25 ans ; il ne peut plus courir, il ne peut plus faire de vélo, mais il est vivant…
Ce récit est celui des grands-parents de l'auteur, Jean Noël Cadoux, diplômé de Droit et en Sciences Po Paris ; cet ex-journaliste à France-Inter Paris puis Sud-Ouest à Bordeaux rend hommage à la beauté de leur histoire en narrant le courage de toutes les victimes de cette boucherie.
Ce livre est admirablement bien documenté et n’est surtout pas une banale histoire d’amour. Il transpire de souffrances et de révoltes ; il est criant de vérité, d’humanité et de fierté.
Une citation résume bien l’ensemble : « s’il fallait mourir, que ce soit sur le dos face au ciel et non la figure dans la boue. »
Pour en savoir plus :
Le 159ème Régiment d'Infanterie Alpine (le chtimiste)
Le 159ème RIA durant la 1ère guerre mondiale (wikipedia)
Le front de l’Est (Alsace)
Août 1914, Alsace : "Il y a eu encore plus de morts qu'à Verdun" (France Inter)
Le souvenir des provinces perdues
L’armée allemande (les mitrailleuses)
Carnet de guerre d’Agricol Darier (le chtimiste)
Evocation des diables bleus, parrains de la 77e Section d'Eclaireurs de Montagne
Le front du Nord (Arras)
Le beffroi d’Arras (Pays d’Artois)
Lexique des termes employés en 14 18 (CRID 14 18)
Les écoles normales du Pas-de-Calais face à la Grande guerre
Arras, ville de l’arrière-front (la grande reconstruction)
Tags : Isère, chasseurs alpins, guerre, 1914 1918
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