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L'enfance d'Emile Théophile (2)
Au moment de la naissance d’Emile Théophile, le président Mac-Mahon a démissionné ; c’est désormais Jules GREVY, qui est président de la république : il est le 1er républicain a exercé cette fonction. Nous sommes en IIIème république, sachant que la Ière a été proclamée en 1792 (la Convention Nationale) et la IIème en 1848 avec Louis-Napoléon Bonaparte qui se prononcera Empereur ! Nous sommes bien loin de la Révolution française et les anciens communards se recueillent devant le mur des Fédérés.
Les journaliers quittent le monde rural pour les villes, austères et insalubres mais susceptibles de leur donner plus de travail. Nous entrons dans l’ère de l’industrialisation lourde. Pourtant, si illettrisme est encore de 14 % dans la population française, les « petits fonctionnaires » tels que instituteurs, facteurs ou percepteurs voient leur nombre augmenter.
Et Reims dans tout cela ?
L’immense essor de l’industrie textile entraîne le débordement de la ville de Reims ; les mutations techniques précipitent la disparition des artisans travaillant chez eux avec leurs propres outils et favorisent la concentration ouvrière. Reims n’échappe pas à la paupérisation ; devant l’afflux de population, des lotissements sont construits par les ouvriers eux-mêmes, à la hâte et non loin de leur lieu de travail. Ces quartiers, comme celui de Laon, dépourvus de voirie, d’égouts et de fondations, ont été totalement réhabilités aujourd’hui.
Sur les recensements de 1872, je n’ai pas trouvé Émile et ses enfants ; pas plus que sur les recensements 5 ans plus tard. Peut-être n’habitait-il pas encore la rue du mont d’Arène…
En arrivant sur Reims, le couple a très certainement pu trouver en emploi ; la ville est en pleine croissance. Son père Émile était mégisseur (ou mégissier) puis tisseur et sa mère Marie Anne était journalière tisseuse.
Mais en quoi consistait leur travail ?
Un mégisseur est un « tanneur » spécialisé dans la peau des ovins. C’est un ancien métier qui date au moins du Moyen Age et nécessite un grand savoir-faire , « la mégisserie est un métier tout à fait particulier de l'industrie du cuir, aussi dur sans doute que celui de tanneur de grandes peaux, le mégissier traitait "en blanc" les petites peaux (parfois achetées aux bouchers) pour approvisionner les artisans du cuir souple. Elle emploie l’alun pour obtenir des peaux "mégis" douces et blanches utilisées dans la ganterie, la cordonnerie et la reliure de luxe » (blog Poussières de siècles).
Son père Emile était mégissier, mais les contremaîtres de filature embauchaient « la famille » ; la « paie collective », donnée le jeudi, jour de marché à Reims, était versée au chef de famille en personne ; n’oublions pas que « la femme » était « quantité négligeable »… Marie Anne, la mère d’Émile Théophile est également tisseuse, mais avant tout journalière et travaillait peut-être à domicile pour continuer à s’occuper des enfants. Mais je vous parlerai de Marie Anne un autre jour : la condition des femmes du 19ème siècle était bien différente de celles d’aujourd’hui, même s’il reste encore beaucoup à acquérir !
Un ouvrier journalier est payé à la tâche. Le travail d’Émile en usine n’en est pas moins pénible : aucune garantie d’emploi, un patron exigent et au dessus de toute loi, quant aux conditions de travail, n’en parlons même pas ! Il faudra encore attendre un siècle avant que n’émerge le CHSCT….
Le métier de mégissier est difficile : pour transformer la peau des animaux, il faut utiliser des produits caustiques (cendres et vapeurs toxiques), les balles de peaux exigent de lourdes manutentions ; une chute par glissage n’est pas exclue car les peaux sont lavées dans des bains successifs. L’activité est salissante et malodorante ; de ce fait, mégisseur et tanneur font souvent l’objet de rejet et de risée de la part des autres ouvriers.
Et pourtant, Emile Théophile suivra les traces de son père....
Le métier de mégissier est difficile : pour transformer la peau des animaux, il faut utiliser des produits caustiques (cendres et vapeurs toxiques), les balles de peaux exigent de lourdes manutentions ; une chute par glissage n’est pas exclue car les peaux sont lavées dans des bains successifs. L’activité est salissante et malodorante ; de ce fait, mégisseur et tanneur font souvent l’objet de rejet et de risée de la part des autres ouvriers.
Et pourtant Émile Théophile suivra les traces de son père….
En attendant, Émile Théophile ira à l’école. La Loi Ferry a instauré la gratuité de l'école primaire publique, l'instruction obligatoire pour tous les enfants, garçons et les filles, de 6 à 13 ans. L’État a cessé de subventionner les institutions religieuses. Son père sait signer son nom (image 1) mais Émile Théophile sait lire et écrire (image 2).
Il a certainement joué dans la cour de l’école Clairmarais, rue du Mont d’Arène ; peut-être a-t-il connu madame Marie-Clémence Fouriaux, la directrice de l’établissement scolaire….
Sur son livret militaire, Émile Théophile est décrit avec un visage ovale, un nez moyen, des yeux bleu pâle, des sourcils et des cheveux blonds ; il est un enfant ordinaire, parmi d’autres enfants de son âge, notamment sa sœur Florentine, d’un an son aînée. Mais tout le monde sait que les petits garçons ne jouent pas avec les petites filles !
Et les filles, justement, que font elles ?
Pour en savoir plus :
- sur le métier de mégissier
Chamoiseur et mégissier, l’affinité de ces deux professions
- sur le métier de tisseur
Différence entre tisseur et tisserand
- d’autres sources :
Jules Grevy (le blog de Gallica)
Tags : megissier, emile, metier, theophile, école
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