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La nuit de noces aux 19ème siècle : histoire d'une domination de genre
Tout à mes recherches sur la vie de mes Agrand-parents, je suis tombée sur un article de Retronews qu’il m’a semblé important de partager et d’étoffer. Même si notre société française a beaucoup évolué, il reste encore du chemin à faire et à détruire bon nombre de tabous !
Je ne revendique pas être la rédactrice de cet article à l’exception des liens sur le web pour une meilleure introspection.
Pour information, Pauline MORTAS est élève à l’Ecole Nationale Supérieure de Paris a soutenu en 2015 un mémoire de Master pour lequel elle a obtenu le prix de l’Association pour le développement de l’histoire des femmes et du genre.
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Malgré une timide évolution des mentalités, la soumission de la femme et l’importance accordée à la virginité féminine sont des invariants tout au long du XIXe siècle, comme le montre l'historienne Pauline Mortas dans son livre Une rose épineuse.
Pauline Mortas est doctorante en histoire au Centre d'histoire du XIXe siècle de l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Spécialiste de l'histoire des sexualités, elle est l'autrice du livre Une rose épineuse, paru aux Presses universitaires de Rennes, qui interroge l’histoire du corps, de la sexualité et du genre à travers la question de la défloration.
Propos recueillis par Marina Bellot
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RetroNews : Comment expliquer que la défloration, longtemps considérée comme une flétrissure morale et physique, est perçue à la fin du XIXe siècle comme une transformation positive de la femme ?
Pauline Mortas : L’emploi du terme défloration par les médecins s’inscrit dans le mouvement de différenciation croissante entre les sexes : la défloration est propre aux femmes, alors que le dépucelage est un terme qui peut s’appliquer aussi aux hommes. Le mot défloration renvoie aussi à un imaginaire floral qui porte en lui toutes les considérations morales relatives à la perte de la virginité de la femme, assimilée dès lors à une fleur fanée.
Ce qui est nouveau au XIXe siècle, c’est que les médecins affirment que l'hymen, une membrane à l'entrée du vagin, est présent chez toutes les femmes vierges. C’est une conception qui met en avant une virginité vérifiable physiquement, et qui renforce le contrôle pesant sur le corps des femmes. Les médecins, lorsqu’ils décrivent la défloration comme un véritable tournant dans la vie féminine, ont plusieurs idées en tête : d’une part, la fille ne peut devenir femme que par l’intervention de son époux qui la déflore. Cela contribue à légitimer l’ordre social du XIXe qui fait de la femme une épouse passive, soumise. Cela rejoint son statut légal de l'époque.
À la fin du XIXe siècle, la description de la défloration en tant que transformation positive s’inscrit dans une volonté d’érotisation de la sexualité conjugale. L’érotisation du couple sert à encourager la natalité, car la dépopulation est à l’époque un enjeu politique important. Car si la défloration se passe mal, la femme pourrait développer diverses pathologies, comme le vaginisme, ou bien garder une vive rancœur à l’égard de son époux, ce qui pourrait mettre en péril l’ordre social (qui repose sur le mariage), et également la natalité française.
Dans votre livre, vous prenez l’exemple du premier rapport sexuel de trois couples pour illustrer l’évolution des représentations et des pratiques de la défloration au XIXe siècle. En quoi l'histoire de ces trois couples reflète-t-elle les évolutions à l'œuvre dans la société ?
Ces trois études de cas s’appuient sur des sources du for privé (journaux intimes et correspondances). Alexandre Brongniart et Cécile Coquebert de Montbret, qui se marient en 1800, sont issus de l’élite sociale parisienne. Ce qui est frappant, c'est l'ignorance et l'appréhension de Cécile à la veille du mariage. Son époux, lui, revient plutôt dans son journal sur son expérience et fait un bilan de ses maigres « conquêtes » – prostituées, servantes… Après le mariage, la description qu'il donne de la nuit de noces est beaucoup plus laconique que celle de Cécile. Il s’imaginait une nuit très intense, et il est déçu.
Pour Cécile, au contraire, le moment a été long et douloureux. Il y a une telle distance entre les deux récits que l’on n’a pas l'impression de lire la description du même événement. Leurs ressentis sont diamétralement opposés. La communication entre eux est limitée, alors même qu’il ne s’agit pas dans leur cas d’un pur mariage arrangé (ce qui est fréquent pour leur classe sociale à cette époque).
Le deuxième couple est celui de l'historien Jules Michelet et d’Athénaïs, sa deuxième femme, qui est beaucoup plus jeune que lui et qu’il épouse en 1849. La seule source dont on dispose est le journal de Michelet, qui est assez détaillé sur leur vie sexuelle.
Ce qui fait la richesse du texte, c’est que la nuit de noces ne se passe pas du tout comme prévu, puisque la pénétration s’avère impossible. Athénaïs souffre d’une pathologie qui n’est pas identifiée par les médecins qu’elle consulte, qui s'apparente sans doute à une forme de vaginisme. Ce qui est assez surprenant pour le lecteur actuel, c’est que Michelet prend très à cœur cette pathologie au point d’examiner lui-même sa jeune épouse, de suivre ses traitements… On voit bien que c’est un enjeu qui dépasse l’intimité féminine pour devenir un enjeu de couple voire un enjeu familial.
Le dernier couple est formé par Georges et Lily R., juste avant la Première Guerre mondiale. C’est un jeune couple issu du milieu commerçant parisien. Je me suis basée sur leur correspondance de fiançailles, pendant le service militaire de Georges.
Celui-ci déploie un grand nombre d'arguments pour convaincre Lily de se livrer à lui avant leur mariage. Il lui assure qu’elle ne sera pas déshonorée, que leur sexualité est de l’ordre de l’intime, que ça ne concerne qu’eux. On assiste à une sorte de privatisation des enjeux liés à la défloration. Ils vont ensuite prévoir leur « opération », ce premier rapport sexuel, avec beaucoup de détails et de minutie. Ils sont assez renseignés, surtout Georges qui lui conseille d’acheter de la vaseline, des serviettes hygiéniques, etc.
Il y a une volonté de se cacher de la famille, de la société. Cela montre une évolution, malgré des impératifs sociaux toujours forts. Georges explique par ailleurs que c’est pour lui aussi sa première fois, ce qui rend la situation plus égalitaire.
Vous évoquez la vogue des manuels conjugaux à la fin du XIXe, qui font peser sur l’homme une grande pression et questionnent sa masculinité. On pourrait se dire qu’on va vers plus d'égalité. En quoi en réalité cela entérine-t-il les rapports de genre de l’époque ?
À première vue, le nouveau modèle de masculinité présent dans ces manuels pourrait en effet être considéré comme une bonne chose pour l’égalité entre les sexes : on préconise une masculinité moins brutale, qui prenne davantage en compte le ressenti des femmes et leur ignorance des « choses de l’amour ». Mais en réalité il faut avoir en tête que ce discours a pour but principal non pas de défendre le droit des femmes au plaisir, mais bien de préserver l’institution du mariage, alors menacée par la loi de 1884 qui autorise le divorce et menace ce pilier de l’ordre social.
Et puis cette érotisation du couple conjugal vise avant tout à redynamiser la natalité française et à rediriger la sexualité masculine vers le couple – pour éviter que les hommes, en fréquentant des prostituées, ne contractent des maladies vénériennes qui mettraient en péril la nation française.
À partir de quand la défloration cesse-t-elle d’être un enjeu de société pour passer dans le champ de l’intime ?
C’est compliqué car on assiste à un mouvement de privatisation certes, mais des enjeux sociaux forts perdurent. Au début du XXe siècle, on a une certaine libéralisation mais si on regarde les chiffres des années 1960, la majorité des femmes arrivent encore vierges au mariage.
Aujourd’hui, il y aurait plutôt à l’inverse, dans certains milieux sociaux du moins, une honte sociale sur le fait de rester vierge longtemps. Toutefois cela montre bien que la virginité est toujours l’objet de normes sociales, qu’elles aillent dans le sens de la préservation ou de l'émancipation. Cela reste finalement une question qu’on a du mal à rendre strictement intime.
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Pauline Mortas est doctorante en histoire au Centre d'histoire du XIXe siècle. Spécialiste d'histoire des sexualités aux XIXe et XXe siècles, elle est l'autrice du livre Une rose épineuse, paru aux Presses Universitaires de Rennes en 2017.
Pour en savoir plus :
Pauline Mortas – Experte Recherche
L'histoire des sexualités : le plaisir féminin au XIXe siècle
Tags : femme, siecle, defloration, couple
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