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Le fort de Romainville ou la mémoire des murs
La Seine Saint Denis, attenant à la capitale avait une urbanisation moins dense, mais dès le XIXème siècle, des établissements industriels s’y sont implantés, utilisant les vastes espaces agricoles non bâtis. L’armée y a également créé des casernements de groupes et notamment le fort de Romainville.
A l’ère industrielle, les populations des territoires environnants s’installent en périphérie de Paris, accentuant ainsi la démographie entre les deux guerres.
L’Occupation va promouvoir les voies de communication, routes et voies ferrées, en lien avec l’Allemagne, et de ce fait, faciliter les échanges.
Dès juin 1940, le fort est transformé en « haftlager », camp de détention. Qu’ils soient édifices, locaux, terrains, tout est sujet d’étude. Cet ouvrage s’articule autour de 3 parties :
- une visite historique, « une approche documentée du site pour comprendre pourquoi et comment il fut transformé en camp de rétention et pour quels types de détenus »,
- les inscriptions murales, qui « résument humblement tout ce que l’on sait d’un individu dont le trajet est dès lors indissociable de son passage au fort de Romainville »,
- le catalogue photographique, mené par les AD93.
1/ Enceinte et bastions du fort
Le projet défensif remonte très certainement à la loi du 3 avril 1841 qui préconisait la construction d’une ceinture de forts militaires autour de Paris ; il en fut de même pour le fort d’Aubervilliers, le fort de Noisy et le fort de Rosny.
L’ensemble forme un quadralitère irrégulier de 5 ha intra-muros. La guerre de 1870 mettra en lumière l’inefficacité de ce système défensif : le fort demeurera toutefois un site militaire et les Allemands s’installeront dès le 14 juin 1940 alors que :
- le MBF (Militärbefehls-haber) s’installe à l’hôtel Majestic, rue Dumont d’Urvill
- l’Abwehr (service allemand de contre-espionnage) occupe le Lutetia, boulevard Raspail,
- l’ambassade d’Allemagne prend ses quartiers rue de Lille
- les services de la Sipo-SD (Siche-rheitspolizei une Siche heitsdienst, police de sûreté et service de sécurité du parti nazi « la Gestapo ») s’installe rue Foche.
2/ Entrée du fort
Le fort est entouré de murs et fossés profonds ; passé le pont levis, on arrive aux bâtiments de l’administration allemande.
3/ Bâtiments de l’administration du camp avec sa cour et son espace de circulation
C’est en quelque sorte le QG de la « Kommandatur » où se déroulent toutes les formalités administratives des détenus.
Un ensemble d’archives a permis de retracer au plus près l’histoire des internements à Romainville ; nous avons tous connaissance de la « rigueur » allemande et les « deux cahiers reliés de toile noire où sont inscrits à l’encre les noms de tous les détenus passés par le fort » sont un surprenant témoignage de cet état.
4/ Logement de la garnison allemande
Il semble que le lieutenant allemand Bickenbach (Oberleutnant) devenu ensuite capitaine (hauptmann) ait toujours disposé du même adjoint tout au long de l’occupation du fort : le « sonderfuhrer » Paul Trappe ; à la Libération, les deux hommes n’ont jamais été retrouvés….
5/ Voies de circulation pour l’arrivée et le départ des détenus
Des milliers de détenus ont marché dans cette cour, arrêtés pour avoir agi contre le Reich et ses intérêt, « ayant mis en danger le maintien de l’ordre et la sécurité ».
A dater de 1942, de nombreux otages sont susceptibles d’être exécutés en cas d’attentats (les fusillés du Mont Valérien) et à partir de 1944, les détenus sont essentiellement des femmes.
Si le fort de Romainville est au début un centre de rétention administrative, un « haftlager, » il devient très vite un « fronstalag » pour les prisonniers de guerre et surtout un camp de détention pour les ressortissants étrangers de pays en guerre contre le Reich.
Du printemps 1943 jusqu’à la Libération, ce fort va devenir un camp de transit. Avec le camp de Compiègne-Royallieu, le fort de Romainville devient un point central d’organisation de départ vers les camps de concentration, du fait de leur proximité avec les gares du Nord, de l’Est, de Pantin et de Bercy (quais aux bestiaux).
A partir de 1944, le fort devient LE camp de départ des déportées-femmes vers Ravensbruck. Compiègne n’est alors utilisé que pour le transit des hommes.
6/ Les zones de détention : le bâtiment central (a), la cour (b), les casemates © et l’infirmerie (d)
Deux types de détention coexistent :
- les « non isolés » qui peuvent circuler dans la cour et avoir des contacts écrits avec l’extérieur,
- les « isolés » qui ne sont autorisés qu’à de courtes promenades, ni courrier, ni colis.
Les casemates jouent un rôle de sas d’entrée et de sortie. Toutefois, elles peuvent servir de lieu de détention permanente pour les détenus considérés dangereux.
7/ La lingerie (desinfektion) rebaptisée « le carré des fusillés »
Le 20 août 1944, alors que les Français se battent pour la Libération et que les Allemands fuient enfin notre territoire, onze détenus sont massacrés et mutilés….
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Je vous invite à lire ce merveilleux ouvrage dont les graffitis ne peuvent se résumer… J’en suis sûre, il ne pourra vous laisser insensible...
Pour en savoir plus :
La réddition de l’hôtel Majestic
L’hôtel Lutetia et sa réquisition
Le Militärbefehlshaber in Frankreich: les transformations de la mémoire savante
Le sort de 1.421 criminels nazis, complices et collaborateurs
Le charnier du Fort de Romainville
La Libération de Paris (2) : "Tous aux barricades !"
Le fort de Romainville, un camp allemand en France (1940-1944)
Tags : fort, Romainville, camp, detenus, livre, murs
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