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Le journal d'une femme de chambre
Ce roman paraît pour la première fois dans le journal L'Écho de Paris en 1891 puis en volume en 1900. L’auteur Octave MIRBEAU (1848 – 1917) est un journaliste, écrivain, critique d’art, et un pamphlétaire redouté.
Ce roman social, très audacieux pour l’époque, est une pure merveille ! Mais âmes sensibles s’abstenir car le langage y est cru, croustillant, vrai et sans langue de bois….
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Ce récit est le journal d’une jeune domestique, Célestine ; elle y raconte son métier, les humiliations et les difficultés de sa vie. Et je peux vous dire que les événements ne manqueront pas pour colorier son quotidien avec une gouaille plutôt friponne.
Déçue de ses précédentes expériences parisiennes - « 7 places en 4 mois et demi » - refusant toute soumission, Célestine espère acquérir son indépendance au Mesnil-Roy, en Normandie. La jeune femme au caractère bien trempé devra faire face à la cruauté sociale, à la brutalité masculine, à l’esclavagisme des « bourgeoises rapaces ». Elle sera même contrainte de subir « l’enfer du bureau de placements » où chaque domestique doit se soumettre aux « interrogatoires méchants et criminels » d’une « marchande de viande humaine » à la « dureté railleuse » et à la « suspicion humiliante » et le tout avec « moult de dédain ».
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« Aujourd’hui, 14 septembre, à trois heures de l’après-midi, par un temps doux, gris et pluvieux, je suis entrée dans ma nouvelle place. C’est la douzième en deux ans. Bien entendu, je ne parle pas des places que j’ai faites durant les années précédentes. Il me serait impossible de les compter. Ah ! je puis me vanter que j’en ai vu des intérieurs et des visages, et de sales âmes… Et ça n’est pas fini… À la façon, vraiment extraordinaire, vertigineuse, dont j’ai roulé, ici et là, successivement, de maisons en bureaux et de bureaux en maisons, du Bois de Boulogne à la Bastille, de l’Observatoire à Montmartre, des Ternes aux Gobelins, partout, sans pouvoir jamais me fixer nulle part, faut-il que les maîtres soient difficiles à servir maintenant !… C’est à ne pas croire. » (...)
« J’adore servir à table. C’est là qu’on surprend ses maîtres dans toute la saleté, dans toute la bassesse de leur nature intime. Prudents, d’abord, et se surveillant l’un l’autre, ils en arrivent, peu à peu, à se révéler, à s’étaler tels qu’ils sont, sans fard et sans voiles oubliant qu’il y a autour d’eux quelqu’un qui rôde et qui écoute et qui note leurs tares, leurs bosses morales, les plaies secrètes de leur existence, tout ce que peut contenir d’infamies et de rêves ignobles le cerveau respectable des honnêtes gens. Ramasser ces aveux, les classer, les étiqueter dans notre mémoire, en attendant de s’en faire une arme terrible, au jour des comptes à rendre, c’est une des grandes et fortes joies du métier, et c’est la revanche la plus précieuse de nos humiliations...
De ce premier contact avec mes nouveaux maîtres je n’ai pu recueillir des indications précises et formelles... Mais j’ai senti que le ménage ne va pas, que Monsieur n’est rien dans la maison, que c’est Madame qui est tout, que Monsieur tremble devant Madame, comme un petit enfant... Ah ! il ne doit pas rire tous les jours, le pauvre homme... Sûrement, il en voit, en entend, en subit de toutes les sortes... J’imagine que j’aurai, parfois, du bon temps à être là... »
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Si quelquefois Célestine paraît vulnérable et acculée, elle n’en demeure pas moins insolente lorsqu’il s’agit de sa dignité ; elle est déterminée à sortir de sa condition. Elle sait hurler « toute la franchise qui est en elle et quand il le faut, toute la brutalité qui est dans la vie ».
Et puis, il y a Joseph, un personnage dur et sadique, dont elle s’est éperdument amourachée. Parce que Célestine est aussi une « coquine » Son « Joseph » elle finira d’ailleurs par l’épouser et devenir elle-même un peu « maîtresse ». Il faut dire qu’elle était à bonne école. Et comme elle aime à le déclarer « le monde est joliment mal fichu ».
Ce roman social traite de la condition féminine mais aussi de la condition salariale ; Octave MIRBEAU parle de la bassesse des riches, mais aussi des pauvres qui s’échinent à leur ressembler ; toute la société en prend pour son grade : la bourgeoisie parisienne et ses travers, les provinciales et leurs mœurs d’un autre temps.
Ce livre est une satyre encore très moderne, qui nous plonge dans un contexte économique, social et politique incroyablement concret.
Je dira que « le journal d’une femme de chambre » n’a pas pris une ride…. Hélas.
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Pour en savoir plus :
Octave MIRBEAU (Wikipedia)
Octave MIRBEAU le feuilletoniste (BnF)
Octave MIRBEAU (BnF)
Le journal d’une femme de chambre (Wikipedia)
Le journal d’une femme de chambre (le texte sur BnF)
Le Journal d'une femme de chambre - Octave Mirbeau (Chap1 à 9) - YouTube
Le Journal d’une femme de chambre – Octave Mirbeau (Chap 10 à 17) – YouTube
Journal d'une femme de chambre – bande-annonce (2015)
Tags : journal, femme de chambre, 1900, lecture
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