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Madeleine PELLETIER, une femme avant-gardiste (1874 - 1939)
Anne Pelletier est née le 18 mai 1874 à Paris 2ème au 38 rue des Petits Carreaux (AD 75 n° 727 page 7/31), un quartier très pauvre ; son père Louis, 43 ans, ancien cocher de fiacre, s’est reconverti dans un commerce de fruits et légumes. Sa mère Anne Passavy, 37 ans, secondait son époux dans le magasin.
Alors que Anne avait 4ans, son père s’est retrouvé invalide à la suite d’un accident vasculaire cérébral ; il passa alors beaucoup de temps à s’occuper de sa fille jusqu’à son décès en 1889 : Anne avait 15 ans.
Si Anne était une brillante élève à l’école, sa mère l’a peu encouragée dans les études ; elle était une femme rude et peu maternelle ; on peut aisément comprendre la situation entre mère et fille, dans un environnement de grande précarité, où la mère devait faire face au quotidien ; elle aurait eu douze grossesses, mais seulement deux enfants à l’âge adulte….. Il a fallu malgré tout, continuer à vivre, faire bouillir la marmite et régler les factures.
Pour se démarquer d’une mère qu’elle appréciait peu, Anne prend le prénom de « Madeleine » ; à l’encontre d’un père qui lui a transmis « un message de démystification des mensonges et des hypocrisies, notamment sexuelles », d’un père aimant qui la traitait en garçon, sa mère veut l’enfermer sans son rôle féminin et lui inculque la « moindre valeur des femmes » précisant qu’une femme doit se marier, avoir des enfants et savoir faire la cuisine. Madeleine concède toutefois que, si sa mère n’est pas cultivée, elle n’en demeure pas moins intelligente.
Sous la domination d’une mère maltraitante, Madeleine fait alors preuve d’une grande force de caractère, avec une ambition hors du commun et un goût certain pour la politique. Très tôt elle fréquente des groupes socialistes et anarchistes qui l’ont façonnée jusqu’à sa mort.
Madeleine attendra le décès de sa mère pour commencer des études de médecine en 1898. Elle a passé son baccalauréat en autodidacte et entre en Faculté ; sur 4500 étudiants inscrits, elles ne sont que 129 femmes ! Après avoir brillamment soutenue sa thèse, elle entre en 1904 à l’hôpital Saint-Anne.
Madeleine ne cessera jamais de se battre contre les « tracasseries naissantes de ses collègues de travail », contre une société d’hommes misogynes qui affirment haut et fort que « la seule carrière consentie pour la femme, c’est le mariage. »
Toute sa vie, Madeleine Pelletier a lutté pour être reconnue et démontrer « comment en France, on traite les femmes qui se disent intellectuelles. »
Elle revendique sa différence, à commencer par son apparence physique : « mon costume dit à l’homme : je suis ton égal ! »
Parallèlement à sa carrière médicale, Madeleine continue à militer activement pour ses convictions ; membre de la Section française de l’Internationale ouvrière (SFIO), elle travaille activement pour faire avancer la cause des femmes au sein de cette organisation et de la franc-maçonnerie.
Car Madeleine Pelletier était effectivement franc-maçonne. En 1906, elle a été initiée à la franc-maçonnerie à la Loge n°3 « Philosophie sociale », de la Grande Loge Symbolique Ecossaise, qui était ouverte aux femmes. Elle est ensuite entrée dans la loge Diderot, dont elle est devenue « Vénérable Maître ». Après la guerre, elle a adhéré au Droit Humain.
Toujours soucieuse de réhabiliter les femmes dans leurs droits, refusant par ailleurs toute domination et toute exploitation, elle est mise à l’écart des partis politiques et se voit contrainte de se rapprocher des mouvements anarchistes.
En 1937, Madeleine Pelletier est victime d'un accident vasculaire cérébral (AVC) qui la rend hémiplégique du côté droit. Malgré son handicap, elle continue à se battre pour ses causes. Mais en 1939, elle est accusée d’avoir aidée une jeune fille violée à avorter ; elle est internée d’office à Perray Vaucluse, jugée irresponsable de ses actes, atteinte d’une démence totale ( au regard de l’article 64 du Code Pénal / en vigueur de 1810 à 1994) reconnue dangereuse pour l’ordre public et la sécurité des personnes, et atteinte d’affaiblissement intellectuel.
Elle meurt, seule et malheureuse, dans cet asile psychiatrique, ne recevant que la rare visite de son amie Hélène Brion.
Anne (Madeleine) Pelletier est donc décédée le 29 décembre 1939 à Epinay sur Orge (AD 91 n°284 page 75/81) ; son nom est bien inscrit sur le registre des entrées et des sorties, mais son dossier médical a disparu.
Madeleine répondrait tout simplement : « voilà comment en France on traite les femmes qui se disent intellectuelles. » Et elle aurait bien raison...
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Pour en savoir plus :
Généalogie de Madeleine Pelletier (Geneanet)
Mon voyage aventureux en Russie communiste / Dsse Pelletier (Gallica)
Madeleine Pelletier, la santé des femmes à cœur (FeministoClic)
Le mensonge du féminisme : opinions de Léon H... / recueillies et publiées par Théodore Joran (Gallica)
PELLETIER Madeleine [PELLETIER Anne, Madeleine] (Le Maitron)
Madeleine Pelletier, psychiatre travestie (Double genre)
L’incroyable histoire de l’asile psychiatrique de Perray-Vaucluse (Paris-Saclay et son histoire)
Tags : madeleine, pelletier, femme, feministe, droits
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