• G comme Gaëlle Nohant

    G comme Gaëlle NohantGaëlle Nohant est une écrivaine française, née à Paris en 1973. Elle est reconnue pour sa capacité à mêler la fiction à des événements historiques et à créer des récits captivants. Elle a écrit des romans, essai, recueil de nouvelles, primés pour sa qualité d’écriture :

    • le prix Encre Marine en 2007 pour « L’ancre des rêves »
    • le prix France Bleu/Page des libraires en 2015 et le prix du Livre de Poche, en 2016 pour « La Part des flammes » roman historique qui se déroule dans le Paris du XIXe siècle et qui s'inspire de faits réels, notamment l'incendie du Bazar de la Charité en 1897,
    • le prix des libraires 2018 pour « Légende d’un dormeur éveillé » une biographie romancée de Robert Desnos,
    • et le prix du Grand Prix RTL-Lire Magazine Littéraire 2023 pour son dernier roman historique « le bureau d’éclaircissement des destins ».G comme Gaëlle Nohant

    Je ne pouvais pas parler de mon grand-père Henri, sans évoquer ce superbe livre ; c’est en apprenant que les Archives Arolsen conservait les traces de la déportation de Robert Desnos que la curiosité de Gaelle Nohant a été stimulée ; au fil de ses recherches, elle tombe sur un article qui évoquait la restitution d’objets hérités des camps de concentration. Comme elle le dit si bien « ce roman est né d’une forme de nécessité intérieure ».

    Bien que « le bureau d’éclaircissement des destins » soit qualifié de roman historique – les enquêtes et les personnages sont fictifs – ce livre nous dévoile le fonctionnement de l’ITS (International Tracing Service) au travers d’investigations méticuleuses menées par la jeune Irène.

    Dans la ville hessoise de Bad Arolsen, trône le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies. Pugnace et rigoureuse, Irène se voit confier la lourde tâche de restituer les milliers d’objets dont le centre a hérité à la libération des camps : un Pierrot de tissu terni, un médaillon, un mouchoir brodé… Chaque objet, même modeste, renferme ses secrets. Il faut retrouver la trace de son propriétaire déporté, révéler son itinéraire, afin de remettre à ses descendants le souvenir de leur parent.

    G comme Gaëlle Nohant

    « Elle ne rencontre jamais les descendants qui viennent à Bad Arolsen. (…) Elle se protège de leur désarroi, de leur reconnaissance. Ce n’est pas pour la mériter qu’elle se donne tant de mal. Irène obéit à un appel plus souterrain. Elle raccommode des fils tranchés par la guerre, éclaire à la torche des fragments d’obscurité. Sa mission terminée, elle s’efface. »

    G comme Gaëlle NohantAu fil des dossiers, elle nous présente une fresque d’une vive intensité émotionnelle :

    • Teodor Mazurek, « une petite vie, broyée dans un engrenage mortel »
    • Elsie Weber, dont la « confession » la rend encore plus monstrueuse
    • Wita, « le geste qui la grandit à jamais : ne pas avoir laissé cet enfant affronter seul une mort terrifiante »
    • Lazar Engelmann, rescapé de la révolte de Treblinka, puis du camp de Buchenwald
    • Myriam, Karol Sobieski
    • Eva, Lucia, Janina, Stefan, Agata et bien d’autres encore…..

    L’auteure a fait le choix de préserver l’anonymat de ces victimes, et de leurs descendants, parce que «... quelquefois, en cherchant les morts, on trouve les vivants. »

    « Elle n’est pas là pour panser leurs blessures ; juste pour restituer quelques brides d’une histoire que les héritiers sont libres de refuser. »

    Chaque trajectoire individuelle s’unit à la mémoire collective. Nul besoin d’avoir une « personne déplacée » dans sa famille pour être touchée par le contenu de ce livre, même si certains passages sont difficiles à lire, impensables à concevoir. J’avoue qu’il m’a fallu refermer mon livre pour en « digérer » l’horreur ; ce livre ne se lit pas en 2 jours !G comme Gaëlle Nohant

    Immanquablement, ce récit prend aux tripes ; il ne correspond à aucun autre témoignage, aussi cru soit-il et Dieu sait que j’en ai lu beaucoup ! Certains récits sont plus poignants que d’autres et nous invite à réfléchir.

    « …. Je ne suis jamais rentrée du camp. J’y suis toujours. » Peut-être que les victimes aspirent à l’oubli autant qu’ils ne redoutent.

    Gaelle Nohant évoque sans langue de bois l’histoire de l’ITS et le devenir des anciens nazis.

    « Depuis l’après-guerre, l’ITS épouse les variations du roman national allemand. (…) IL a fallu des années pour inclure les Résistants dans la politique de « réparations » ; plusieurs décénnies pour les travailleurs forcés. »
    l’Histoire n’a pas été aussi limpide que nos professeurs nous l’ont expliqués à l’école ; l’après-guerre fut terrible : « En France, juste après la guerre, on préférait oublier le régime de Vichy et se raconter qu’il n’y avait eu que des Résistants…. (….) chaque pays impose un roman national.»

    G comme Gaëlle Nohant

    Irène l’a bien compris ; « plus tu maîtriseras le contexte, plus tu réfléchiras vite ; le temps que tu gagnes, c'est la vie de ceux qui attendent une réponse. Et cette vie est un fil fragile. » 

    Ah, le contexte, élément indispensable et incontournable en généalogie ; il ne faut jamais perdre de vue le « contexte », ces événements et circonstances qui entourent la vie d’un ancêtre, qui nous le rendre presque vivant et nous plonge irrémédiablement dans la sphère de l’affect, souvent malgré nous…..

    Ce livre est une pépite mêlant investigations et démarches généalogiques ; Irène « évoque ses pistes de Petit Poucet où les archives remplacent les cailloux blancs. Les voies sans issue, son impatience et sa frustation. » Tout au long des récits, elle nous embarque dans ses recherches, toujours emprunte de respect et d’humilité.G comme Gaëlle Nohant

    Au cours de cette lecture – dans laquelle je me suis attachée à en savoir plus sur l’Histoire de cette terrible période – j’ai réalisé la « culpabilité du survivant », celui qui est en vit alors que ses co-détenus sont morts, celui qui s’échappe et laisse ses compagnons à la merci des représailles des gardiens….

    Même si je ne peux me mettre à leur place, je comprends mieux aujourd’hui tous les silences….

    Et pourtant, nous vivons au sein d’un monde qui n’a encore rien compris. Il suffit d’écouter les actualités pour réaliser que la moindre étincelle peut raviver ces bestialités. Car en y réfléchissant – et ce livre nous amène à la réflexion – la race des seigneurs ne s’est jamais éteinte…..

    *

    Pour en savoir plus :

    Interview de Gaelle Nohan (Archives Arolsen)

    L’International Tracing Service et les Archives de Bad Arolsen (Lubartworld) 

    Josias de Waldeck-Pyrmont (Wikipedia)

    Josias de Waldeck-Pyrmont (fiche GENEANET)

    Liste des catastrophes maritimes de la Seconde Guerre mondiale (Wikipedia)

    Baie de Lübeck: Neustadt in Holstein (naufrage des bateaux de détenus)

    Camp de concentration d'Uckermark (Wikipedia)

    Le camp de concentration pour jeunes et futur camp d’extermination d’Uckermark

    Des mots qui font vivre : commentaires sur le langage dans les récits de déportation (Persée)

    « Une année à Treblinka » de Jankiel Wiernik (Cairn)

    Simon Wiesenthal, chasseur de nazis (Le Monde)

    Liste des camps de concentration nazis (Wikipedia)

    Les évades du camp de Sobibor DOCUMENTAIRE

    Les centres d'extermination nazis (Wikipedia)

    Blood Group Tattoo Of Waffen SS (YouTube)

    Les enfants, cibles de guerre (RTS)

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  • Commentaires

    2
    Vendredi 24 Novembre 2023 à 15:05

    je ne connaissais pas ce roman

      • Samedi 25 Novembre 2023 à 21:11

        C'est une petite pépite, à lire et à relire ; il est précieux et riche d'informations

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