• Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......

    Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......"Du moment que vous les défendez, vous partagerez leur sort ! " Et pour n'avoir jamais transigé avec qu'elle appelait les "valeurs premières", Adélaïde Hautval, dite Haïdi, va devoir traverser l'enfer et survivre à 37 mois d'emprisonnement et de déportation. En sa qualité de médecin, à Auschwitz, elle est affectée au Revier (l'infirmerie) où elle soulage et soigne avec ses maigres moyens. Dans les cas les plus graves, elle s'arrange pour maquiller le diagnostic et permet ainsi à nombre de ses patientes d'éviter la chambre à gaz. Elle doit aussi travailler au sinistre Block des expériences médicales sur la stérilisation. Elle réussit d'abord à ne faire que soulager les jeunes martyrisées, témoin des horreurs perpétrées par les médecins SS. Mais quand elle reçoit l'ordre de prêter la main aux actes criminels, elle refuse, s'opposant frontalement aux nazis.

     

    *

    Médecin et résistante française, Adélaide Hautval est née en 1906. Fin septembre 1939, elle quitte l’Alsace où elle a étudié la médecine puis la psychiatrie, pour s’occuper des patients de l’hôpital psychiatrique de Vauclaire dans les Hautes Pyrénées. Mais son destin bascule fin mai 1942, arrêtée par la « Feldgendarmerie » en gare de Vierzon, sur la ligne de démarcation. Indignée par les rafles des irsraélites, elle ose s’interposer et prendre la défense d’une jeune juive : « du moment que vous les défendez, vous partagerez leur sort ! » Son sort était scellé en effet, la voici embarquée à la prison de Bourges.

    Mais avant d’arriver à Auschwitz-Birkenau, elle partage le long périple des femmes déportées d’un camp de transit à un autre.

    Juin 1942 : 1er camp à Pithiviers, sous la surveillance des gendarmes et des douaniers français.

    « Toutes ont été arrachées de chez elles sans qu’il leur ait été possible de prendre certaines dispositions nécessaires. »Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......

    Elle y retrouvera No Rabinovitch (voir La Carte Postale). Très vite, elle est confrontée aux femmes atteintes de dysenteries graves, coqueluches, scarlatines, diphtéries, rougeoles, et puis celles qui sont devenues folles….. Arrive alors ce terrible moment où mères et enfants sont séparés : « ce qui paraît impossible arrive quand même. »

    Fin septembre 1942 : le camp est évacué pour Beaune La Rolande, puis le Fort de Romainville. A côté des « criminelles » sont rassemblés tous les prisonniers communistes.

    5 novembre 1942 : transfert à la prison d’Orléans puis retour au fort de Romainville.

    21 janvier 1943 : c’est Compiègne puis départ pour Auschwitz dans « les wagons à bestiaux ».

     Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......Comme ses co-détenues, elle s’imaginait les casernes, le travail en usine, mais certainement pas ça : «  nous croisons des files d’hommes, aux costumes rayés. Puis des femmes. Têtes rasées. Des faces hébétées. L’une d’elles, qui à l’air de commander, tape dessus. (…) Premier contact avec un monde inconnu où le renversement des valeurs fait loi.

    Fils de fer électrifiés qui se perdent à l’infini. La détresse menace de nous envahir et , comme défi, toutes nous chantons La Marseillaise avant d’entrer. » Elles sont des « verkommenes volk », un peuple dégénéré comme ils disent les « kapos » et les SS.

    Adélaide Hautval est rapidement affecté comme médecin au bloc des Allemandes. La « Blockälteste » (chef de bloc détenue) est une « triangle noir » mais elle a le sens de la justice et une véritable estime s’installe entre les deux femmes.

    Pour son plus plaisir, les SS ont peur de la contagion et n’entrent pas au Revier (infirmerie) où elle essaie de soulager au mieux. Si les médecins Wirths, Rhode, König sont des « exécuteurs dociles des ordres donnés » , le Dr Mengele, quant à lui, est « un détraqué, un dangereux ». Elle va être sollicitée pour seconder ces médecins criminels pour mener à bien des expériences sur les déportées ; mais au péril de sa vie, elle leur opposera des refus sans appel.Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......

    Adélaide Hautval se bat pour sauver les femmes ; elle ruse pour les préserver de la solution finale et refuse de participer à la « sélection »….. Elle s’interroge continuellement : « si nous avions plus de courage, nous protesterions au lieu de laisser faire. Je me suis souvent demandée ce qui se passerait si à ces moments-là on essayait d’intervenir. Geste inutile ? Peut-être, mais ce n’est pas sûr. Il faut souvent si peu pour changer le cours des évènements, et un simple geste peut en susciter d’autres. » La peur est une arme puissante.

    Janvier 1944 : le groupe des Françaises est transféré à Ravensbrûck.

    Janvier 1945 : les convois arrivent toujours plus nombreux ; les sélections se poursuivent à un rythme de plus en plus effréné ; les Allemands ne peuvent plus cacher l’avance inexorable des Russes. Il faudra avancer coûte que coûte et les malades devront être tous exécutés. Eux qui Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......portent inscrit sur leur ceinturon « Gott mit us » (Dieu avec nous)

    La Libération arrive, mais elle ne fuit pas, comme beaucoup, légitimement ; elle, elle choisira de prolonger son séjour pour tenter de sauver ceux et celles qui n’ont plus la force de partir…..

    Ce récit est un document bouleversant ; victime de la barbarie nazie, le Dr Adélaïde Hautval a fait preuve d’un dévouement admirable et d’une très grande force de caractère. Comme de nombreux témoignages, elle parle bien évidemment du froid, de la faim, de la fatigue, du manque d'hygiène, des sévices et des humiliations, de l'absence de médicaments, mais aussi de ses « ruses » pour éviter que des femmes soient envoyées à la mort ; elle évoque également son refus de participer aux expériences médicales sans aucun but scientifique.

    Un livre difficile à lire, tant il est cruel, à vif et …. révoltant. Mais un livre qu’il me fallait absolument terminer.

    « Notre rôle n’est pas de juger. Mais à nous qui ne savons que trop jusqu’où peuvent mener la volonté de puissance et le mythe de la race supérieure, il appartient de lutter de toutes nos forces contre le danger toujours renaissant. »

     Une belle leçon de vie qui me confirme bien que le combat n'est jamais fini.....

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    Pour en savoir plus :

    Les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande (le CERCIL)

    Camp de Beaune-la-Rolande (AJPN)

    Le fort de Romainville ou la mémoire des murs

    Compiègne durant la guerre

    Le camp de Royallieu à Compiègne (1941-1944)

    Les expérimentations médicales à Auschwitz

    Commando de la mort. Camps de concentration de Auschwitz

    « Criminels de guerre » : nouvelle collection exceptionnelle pour Une histoire particulière (France Culture)

    Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......

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