• La tondue

    La tondueA l’évocation du titre, nous avons tous en tête l’image de « la tondue de Chartres », victime de la vengeance populaire et de la justice expéditive.

    La Tondue est un roman de Marie de Palet, une auteure française connue pour ses récits se déroulant souvent dans des contextes ruraux, avec des intrigues ancrées dans les traditions et les drames des campagnes françaises. Ce livre s'inscrit dans cette veine, avec un récit historique touchant qui plonge le lecteur dans l'après-Seconde Guerre mondiale.

    Yvette Martin revient dans son village natal de Lozère, après avoir vécu à Paris durant quinze ans. Elle porte un foulard pour cacher ses cheveux coupés très courts, une marque de honte infligée aux femmes accusées de collaboration avec l’ennemi pendant l’Occupation.

    « Elle se dirigea vers les toilettes en remontant le foulard qui glissait de sa tête. De folles bouclettes courtes venaient crever sous le tissu de soie mais le reste de la chevelure, malgré une savante indéfrisable, portait encore les marques des ciseaux de la honte... »

    Yvette espère retrouver la paix dans son village, mais elle se heurte à une communauté encore marquée par la guerre, pleine de haine et de secrets. Et puis, elle rencontre David, personnage mystérieux qui arrive dans le village par le même train qu’elle.

    « David, lui, avait sa petite idée : il était persuadé qu'elle avait été la maîtresse d'un personnage important, d'un puissant de l'heure, un de ces profiteurs de l'Occupation. Elle avait sûrement rompu à la fin de la guerre, mais restait marquée à jamais par cette aventure, au point de ne pouvoir en parler : honte ou douleur, le saurait-il un jour ? »

    David partage avec Yvette le poids des secrets et des traumatismes de la guerre. Leur rencontre et leurs interactions permettent de dévoiler progressivement les vérités cachées du village et de leurs propres passés.La tondue

    L’histoire est certes romancée, mais elle s’inspire de faits historiques réels ; les personnages et les événements spécifiques sont inventés, or le contexte historique et les pratiques sociales décrites dans le livre reflètent des réalités de l’époque, que ce soit la rédemption, le jugement social ou bien les cicatrices laissées par la guerre.

    Rappelons qu’à la Libération, de nombreuses femmes en France ont été tondues en public, un acte de vengeance et d’humiliation pour leur supposée collaboration avec l’occupant allemand pendant la Seconde Guerre mondiale. (voir le livre de Fabrice VIRGILI)

    Cette pratique visait principalement les femmes accusées de collaboration horizontale, c’est-à-dire d’avoir eu des relations intimes avec des soldats allemands.

    La tonte des cheveux, symbole de féminité, était une manière de marquer ces femmes de façon visible et durable, les exposant à la honte et à l’opprobre public. Ces actes particulièrement violents étaient organisés par des civils ou des comités locaux de Libération ; ils reflétaient une volonté de réappropriation du corps des femmes par la communauté nationale, en les punissant pour leur comportement perçu comme une trahison.

    *

    Les femmes tondues à la Libération sont un sujet complexe et douloureux de notre histoire française. 

    Peut-être avez-vous eu dans vos arbres des femmes victimes de cette « épuration sauvage » ; mais vraisemblablement, vous ne le saurez jamais… Cela fait partie des secrets de famille, et celui-ci en est un particulièrement douloureux et « caché ».

    La tonte des femmes avait une forte connotation symbolique et sexuelle. Elle servait à humilier publiquement les femmes et à réaffirmer une certaine virilité nationale après l’Occupation. Ces actes cruels étaient pratiqués sans procès formel ; les femmes tondues étaient des boucs émissaires face à une justice « expéditive », choisies pour leur vulnérabilité. Exhibées en public, elles étaient souvent dénudées, violentées, insultées, marquées de croix gammées, livrées à la colère populaire.

    Cette période reste controversée car elle soulève des questions sur la justice et la vengeance, ainsi que sur le rôle des femmes durant la guerre et leur traitement après la Libération.

    Il y a eu des cas d’erreurs judiciaires lors de la tonte des femmes à la Libération. Ces actes d’extrême violence, pour beaucoup effectués de manière extra-légale, étaient basés sur des accusations non vérifiées ; certaines femmes ont été tondues simplement parce qu’elles avaient été vues en compagnie de soldats allemands ou parce qu’elles avaient été dénoncées par des voisins pour des raisons personnelles (vengeance, jalousie, pression sociale..), plutôt que par des preuves concrètes de collaboration.

    Toutefois certaines femmes tondues ont pu être ensuite jugées par des tribunaux civils ou militaires. Selon la gravité des accusations, elles pouvaient être internées, condamnées à des peines de prison, voire exécutées.

    Mais la tonte laissait une marque visible qui les identifiait comme collaboratrices, femmes « souillées » et exclues de la société. La tonte et les violences associées avaient des effets psychologiques dévastateurs, laissant des cicatrices émotionnelles profondes et durables.

    Ces actes de vengeance et de justice sommaire ont marqué la mémoire collective et continuent de susciter des débats sur la justice et la réconciliation après des périodes de conflit.

    Mais que savons-nous de ces femmes, de leur motivation ?

    Certaines ont développé de véritables relations amoureuses, authentiques et assumées, avec des soldats allemands. L’absence prolongée de leurs maris ou partenaires, souvent partis à la guerre ou faits prisonniers, a pu les pousser à chercher du réconfort et de la compagnie. Et puis, nul n’est à l’abri d’un coup de foudre..

    Pour d’autres, ces relations étaient motivées par des besoins économiques ; l’occupation allemande a entraîné des pénuries et des difficultés financières, et certaines femmes ont vu dans ces relations un moyen de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille.

    Il y a eu des cas où les relations étaient le résultat de pressions ou de contraintes. Certaines ont été forcées ou manipulées par des soldats allemands, qui utilisaient leur position de pouvoir pour obtenir des faveurs sexuelles. Dans certains cas, des femmes ont été contraintes à la prostitution...

    Quoiqu’il en soit, il est important de souligner que les motivations étaient souvent multiples et imbriquées. Les relations pouvaient être influencées par un mélange de sentiments personnels, de nécessités économiques voire de pressions extérieures. Volontaires ou forcées, ces relations ont conduit à des actes de déviance, de vengeance et d’humiliation collective.

    *

    Les femmes ont souvent été les boucs émissaires de notre Histoire française.

    Elles ont longtemps été confinées à des rôles domestiques, détentrices des valeurs morales de la famille. Si l’homme appartenait à la sphère publique, la femme était cantonnée à la sphère privée.

    De ce fait, les femmes étaient largement exclues des pouvoirs politiques ; elles étaient considérées comme des « citoyennes passives, de seconde zone » et devaient se fier aux hommes (lois patriarcales) pour représenter leurs intérêts.

    Or les périodes de changement social rapide - la Révolution française par exemple - ont souvent créé de l’anxiété autour des rôles de genre ; les femmes sorties des normes traditionnelles étaient perçues comme une menace à l’ordre établi.

    La tonte des femmes durant la Libération avait la volonté d’humilier pour ramener « ces dissidentes » dans le droit chemin….

    Car la femme est une menace pour le pouvoir : toutes les femmes ?

    De nombreuses femmes ont également fait preuve d’un très grand courage et d’une forte volonté en s’engageant dans la Résistance ; elles ont pris des risques au-delà du raisonnable pour lutter contre l’occupant montrant ainsi une forme de libre arbitre et de détermination à toute épreuve, et pour un bon nombre d’entre elles, un héroïsme qui surpasse de beaucoup certains « libérateurs » de la dernière heure…..

    Si certaines femmes ont pu exercer un certain degré de libre arbitre, beaucoup d’autres ont vu leurs choix fortement restreints par les circonstances de la guerre. Ne les jugeons pas...

    La tondue

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