• C comme Cordonnier

    C comme CORDONNIERTout a commencé lorsqu’il a fallu quitter l’Alsace ; une partie de la famille Deiber a fait le choix – mais était-ce réellement un choix - de s’installer à Reims. Sur deux générations, elle travaillait dans le textile et plus particulièrement dans le tissage puis la tannerie.

    Au 19ème siècle, la mégisserie était une industrie importante dans la région de Reims, spécialisée dans le traitement des peaux de mouton pour en faire du cuir de qualité, appelé « basane ».

    La « basane » est un type de cuir réputé pour sa texture douce, souple et résistante. Le « mégissage », processus de transformation qui nécessite une maîtrise transmise de père en fils : trempage des peaux dans des bains d'eau et de chaux pour les nettoyer, raclage pour éliminer les poils et les impuretés, teinture, séchage, et polissage. La basane est souvent utilisée dans la reliure de livres, la fabrication de gants, de sacs, de chaussures, de bottes et autres articles en cuir, en raison de sa qualité et de sa flexibilité, de sa durabilité et de son esthétique.

    C comme CORDONNIER

    Reims était donc une destination toute indiquée pour s’adonner à leur métier. La mégisserie fut un secteur clé de l'économie locale, produisant un cuir de haute qualité utilisé pour des articles que l’on qualifierait aujourd’hui de « luxe ». Elle a contribué à l'histoire économique et industrielle de la région, notamment avec l'introduction de machines pour automatiser certaines étapes du processus.

    Une grande partie de la famille est restée sur Reims (mariages et décès le confirment) mais Emile, le grand-père d'Henri est parti s’installer sur Mouy… pour ensuite disparaître. A ce jour d’ailleurs, je n’ai toujours pas retrouvé sa trace.C comme CORDONNIER

    Son père Théophile y a connu, fréquenté et épousé sa mère Marie Clémence ; et leurs 3 enfants, André, Charles et Henri ont grandi à Mouy et appris le métier de cordonnier.

    Quel est donc cet intérêt soudain pour la fabrication de chaussures ? D’où vient ce désir de changement de carrière ? Une opportunité économique ou une curiosité familiale ?

    Car son grand-père maternel était chaussonnier-cordonnier.

    Il est difficile de « penser » à la place de nos ancêtres, mais je peux imaginer qu’Henri et ses deux frères aînés ne se voyaient pas « macérer » dans la puanteur si réputée des tanneries. Ou tout simplement que Théophile espérait un avenir meilleur pour ses fils….

    Henri a certainement été fasciné par l’habileté de son grand-père dans la découpe du cuir, le montage des semelles et des talons, la couture, voire les indispensables réparations ; à cette époque, les chaussures étaient fabriquées pour durer très longtemps.

    J’imagine aisément ses yeux de petit garçon médusé devant la dextérité de son grand-père, Alfred. Mais Henri n’avait que 5 ans lorsqu’il a déménagé de Mouy à Paris, rue Broca ; ce n’est donc pas son grand-père qui lui a appris le métier. D’autant plus qu’Alfred est resté sur Mouy où il est décédé en 1917.

    Henri a dû faire son apprentissage auprès d’un artisan confirmé et expérimenté, où il pu acquérir la compréhension des différents types de cuir, le maniement des outils, les techniques de fabrication de chaussures, ainsi que des compétences en matière de réparations. A ma connaissance, Henri ne s’est jamais installé dans sa boutique ; il a toujours travaillé pour « un patron », tantôt à fabriquer des articles de voyage (malles, sacs...), tantôt à réparer des chaussures, des bottes, des gants. Mon père a d’ailleurs conservé tous ses outils et ses vieux casiers….C comme CORDONNIER

    • Le tire-semelle, utilisé pour retirer les semelles usées des chaussures,
    • Le poinçon, pour faire des trous dans le cuir pour les coutures ou les lacets,
    • Le marteau de cordonnier, spécialement conçu pour fixer les semelles et les talons aux chaussures,
    • Le tranchet, couteau utilisé pour couper le cuir de manière précise,
    • La forme à chaussures pour donner à la chaussure sa forme définitive,
    • L'alène, outil pointu utilisé pour percer des trous dans le cuir,
    • Le fil de chanvre et les aiguilles pour coudre les pièces de cuir ensemble,
    • La lime à cordonnier, une lime particulière pour façonner et lisser les bords du cuir.

    A l’image de mon grand-père Henri, mon père était un homme méticuleux – un peu trop parfois – rigoureux, et toujours à la recherche de la perfection ; il me répétait toujours qu’un bon artisan se doit d’être attentif aux détails, sensible à l'esthétique, au travail propre et bien fait ; s’il doit avoir des compétences techniques, il lui faut aussi trouver des solutions créatives pour répondre à certains problèmes spécifiques, un talon cassé, une couture déchirée, un accroc sur le cuir  ; et il ajoutait toujours qu’un bon ouvrier a des outils propres, bien entretenus et bien rangés !

    Et tout comme mon grand-père, j’adorais regarder mon père bricoler tous les week-ends sur son établi. Son atelier avait cette odeur que je ne saurai définir, mais que je perçois encore en écrivant ses lignes. Mémoire olfactive qui ne m’a jamais quittée….

    Mon père se plaisait aussi à me rappeler qu’Henri avait eu la médaille du travail pour récompense de son habileté et sa rigueur professionnelles.

    Mais j’ignorais à l’époque tout le malheur qui a frappé la famille…..

     *

    Pour en savoir plus :

    Le cuir à fleur de peau de Eva Halasz Csiba

    Crépin et Crépinien (Wikipedia)

    Histoire de cordonniers (pdf)

    Les outils du cordonnier (la boutique du cirage)

    Les techniques de fabrication des chaussures (Gallica)

    Les métiers du cuir (Association Le Vieil Erstein)

    Les malletiers français en cartes postales (La Malle en coin)

    Portfolios R. Doisneau

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  • Commentaires

    1
    Lundi 6 Novembre 2023 à 07:38

    Très bel article bien illustré et riche en informations, le cordonnier est un métier rare maintenant, nous ne croisons plus beaucoup de ces artisans

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