• Bibliographie & Filmographie

    « Chercher ses racines, c'est au fond se chercher soi-même : qui suis-je ? Quels sont les ancêtres qui m'ont fait tel que je suis ? Des noms d'abord, des dates, quelques photos jaunies ou, avec plus de chance, un testament, une lettre. »

    Claude LEVI-STRAUSS

     

    « Les gens s'intéressent à leur passé parce que la seule chose à laquelle ils peuvent se raccrocher aujourd'hui, c'est leur famille. Pas la famille nucléaire, qui est elle-même éclatée, mais leurs ancêtres, c'est-à-dire ce qui ne leur fera jamais défaut. Ils se raccrochent aux branches.... de leur arbre généalogique ».

    Anne Ancelin-SCHUTENBERGER

    BIBLIOGRAPHIE ET FILMOGRAPHIE

  • La chambre des diablesses Voici un livre que je ne suis pas prête d'oublier....

    Prénom : Marie Marguerite

    Nom : MONVOISIN

    Née en 1658

    Fille d’Antoine Monvoisin et de Catherine Deshayes

    Particularité : soupçonnée de complicité avec sa mère, brûlée vive en place de Grève en ce jour du 22 février 1680.

    Nous sommes à Paris, en 1680, au cœur du plus grand scandale qui ébranla le règne de Louis XIV : l'Affaire des Poisons

    442 accusés de commerce de sorcellerie

    36 condamnés à mort pour acte de diablerie, dont sa mère La Voisin, comme on l’appelle

    Et Marie Marguerite, sa fille ? Elle devra tout dire si elle veut sauver sa tête…..

    Emprisonnée dans sa geôle à Vincennes, Marie-Marguerite devra en effet tout dire : livrer les secrets de sa mère, révéler ses formules et la liste de ses clients dans la haute noblesse courtisane.
    « La vraie raison de son statut de recluse est le danger qu’elle fait courir aux geôliers. Si elle se retrouvait enceinte, la peine de mort serait immédiatement prononcée à l’encontre du responsable de sa garde.

    Mais qui se risquerait à fricoter avec cette jeune fille, que l’on dit née d’une orgie entre le diable et une sorcière ? On raconte qu’elle n’a pas de nombril, et qu’elle porte un troisième téton caché sous son corps. Preuve de son appartenance à la famille des démons. »

    Ce livre est donc la confession de Marie Marguerite, expliquant comment sa mère l’a « préparée comme l’héritière de ses savoirs », comment « la boisson rendait sa mère maussade et bavarde » et surtout, comment du statut honorable de sage-femme, elle est devenue empoisonneuse, avorteuse, criminelle. Marie Marguerite est une enfant écartelée, mise à vif, souillée par les horreurs que sa mère a commises. La chambre des diablesses

    Au travers de ce récit, on découvre une Catherine Monvoisin, intelligente et réfléchie, mais surtout redoutable et insensible, libertine, terriblement infidèle et vulgaire. Mais une femme lucide : « chaque jour, je sonde la méchanceté et la fourberie des gens. »

    Très tôt, la jeune Marie Marguerite a été initiée à la distillation des plantes et autres substances, à la fabrication de pommades, des onguents et bien sûr des poisons. Elle connaît tous les secrets de sa mère et a été le témoin des allers et venues de sa riche clientèle issue de la noblesse et de la Cour du Roi.

    L’auteure ne nous épargne pas le langage cru, grossier, ordurier. D’ailleurs, dès les premières pages, elle souligne le travail délicat indispensable entre la rigueur historique qui s’impose, un français classique du XVIIème difficile à déchiffrer, et un vocabulaire abscons voire choquant : « dans cet exercice d’équilibre au service de la vraisemblance, mais aussi du pur bonheur d’écriture, il me fallait retrouver la veine qui a nourri mes précédents romans – récit historique, dialogues réalistes et insolents, dans l’esprit de l’humour grinçant que l’affectionne. »

    Cette histoire nous plonge dans les bas-fonds de la sorcellerie, des rites occultes et des messes noires. Si nous entrons dans l'intimité de la plus célèbre des empoisonneuses, de son ascension à sa chute vertigineuse, nous parcourons aussi le quotidien des parisiens de cette époque où la place de la femme est sans cesse rappelée : « n’oublie jamais ça : je vends des remèdes à des femmes La chambre des diablessesdésespérées qui n’ont aucun droit ni aucun moyen honorable de gagner leur propre argent. Telle est la misère des nobles clientes qui fréquentent ma maison. De quoi nous les faire prendre en pitié quelquefois. » Parce que « naître fille est une malchance, mais chez les gueux, c’est une malédiction. » Ce qui résume – assez bien, à mon sens – la place des femmes dans ce siècle, et oserai-je ajouter pour quelques siècles encore…..

    Si au début du récit j’avais quelques considérations pour cette « Monvoisin » au vue d’une vie de labeur, mariée trop jeune à un « bras cassé trempé dans la vinasse »,et soucieuse semble t-il de gérer le sort peu enviable des femmes, très vite, j’ai rectifié mon jugement : Catherine a rapidement bercé dans un univers de débauche, sans aucune morale, comme atteinte d’une folie meurtrière.

    « L'ambition de ces couillons est le lit de ma richesse. »

    Isabelle DUQUESNOY dépeint avec réalisme le Paris du XVIIème, la Cour du Roi Soleil, s’appuyant sur des documents d’archives qu’elle a studieusement épluchés ; ce livre est nourri de récits historiques et des dialogues authentiques relatant les moeurs, les croyances, la vie quotidienne et le statut des femmes de l'époque, et que dire de la place des enfants…..

    On y rencontre des personnages haut en couleurs : Monsieur de la Reynie, premier lieutenant de police sous Louis XIV, Adam Lesage (Coeuret), l’abbé Guibourg, les empoisonneuses Marie Bosse ou encore Françoise La Filastre, Mademoiselle Des Oeillets, la marquise Brinvilliers, et bien évidemment madame De Montespan.

    Née à Paris en 1960, Isabelle DUQUESNOY est diplômée d'histoire et de restauration du patrimoine ; je ne vous cache pas que j’ai a-do-ré son livre, son style original, passant de l’humour à l’horreur, mais peut-être était-ce pour mieux nous présenter « l’inacceptable » et le « dérangeant ». Quoiqu’il en soit, il sera le premier d’une longue série….

    *

    Pour en savoir plus :La chambre des diablesses

    Les ponts habités (Gallica)

    La rue Beaureagard (Wikipedia)

    Catherine DESHAYES (fiche Geneanet)

    22 février 1680 : l’empoisonneuse Catherine Deshayes dite la Voisinest brûlée en place de Grève (La France Pittoresque)

    Affaire des poisons. Année 1680, août-décembre (BnF)

    L’affaire des poisons (Tombes et Sépultures)

    Histoire de l’enfermement (Ministère de la Justice)

    Archives de la Bastille – documents inédits (Gallica)

    L'affaire des poisons : psychose à la cour de Louis XIV ( National Geographic)

    L'Affaire des Poisons se déjoue à la Citadelle de Besançon (France Bleu)

    L'Affaire des Poisons, une affaire d'Etat sous Louis XIV (France Inter)

     

    La chambre des diablesses

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  • Histoire des sensibilitésL'histoire des sensibilités est une approche historique qui s'intéresse à l'étude des émotions et des sentiments dans le temps. Cette approche considère que les émotions sont des constructions sociales et culturelles qui évoluent au fil des siècles et des contextes.

    Vous allez me dire : « quel rapport avec la généalogie ? ». En matière de généalogie, on ne peut faire l’impasse sur « les sensibilités » de nos aïeux. Nous sommes nombreux à « essayer » d’écrire sur ce que nos ancêtres ont ressenti, exprimé voire refoulé…. Bien sûr ils ne sont plus là pour le dire, mais on peut essayer de savoir, de lire, d’écouter pour mieux comprendre…..

    L'histoire des sensibilités explore les représentations culturelles des émotions, les normes sociales qui les régissent et les pratiques rituelles ou artistiques qui les mettent en scène. Nous voyons bien que nos aïeux étaient différents selon la région qu'ils habitaient - et les coutumes qui s'y rattachent - selon leur milieu social et professionnel.

    L'histoire des sensibilités a connu un fort développement depuis les années 1990, notamment en France, avec des historiens comme Alain Corbin (Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot), Jean-Jacques Courtine ou bien encore Georges Vigarello. Elle s'est ensuite étendue à d'autres domaines de recherche, comme la littérature, l'histoire de l'art, la philosophie, la psychologie ou la sociologie.

    Voici donc 5 podcasts de très grande qualité. Peut-être ne trouverez-vous pas la réponse à toutes les questions que vous vous posez, mais vous aurez quelques explications savamment développées....

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    Épisode 1/5 : Comment écrire l'histoire des émotions ?

    Nos sens, nos passions et nos émotions ont une histoire. Comment retrouver la trace des sensations du passé au travers des archives et par le regard des historiennes et historiens ?

    Histoire des sensibilités

     

    Épisode 2/5 : Je sens que je vais conclure… la séduction d'hier à aujourd'hui

    Montrer ou dissimuler ses charmes fait le jeu de la séduction dans la société d'Ancien Régime, fondée sur la hiérarchie du sang et des sexes. Comment l'image d'un homme, séducteur, viril et conquérant, et celle d’une femme, chaste, pudique et passive, ont-elles imprégné les codes de l'amour ?

    Histoire des sensibilités

     

    Épisode 3/5 : De colère, de tristesse, de joie… l'histoire, la larme à l'œil

    Pleurer comme une madeleine, comme un crocodile, comme une fontaine ou comme un veau : comment écrire l'histoire des larmes ? Comment les manières de pleurer ont-elles évolué au cours du temps ? Les effusions et les larmes ont-elles connu des significations différentes selon les siècles ?

    Histoire des sensibilités

     

    Épisode 4/5 : Ne rien laisser paraître, une histoire de l'insensibilité

    Synonyme à la fois d’indifférence, d’absence de sens, de manque d’empathie, l’insensibilité est difficile à définir. Derrière celle-ci se cachent bien souvent des émotions tues ou enfouies. Comment l'histoire de l’insensibilité s'écrit-elle ?

    Histoire des sensibilités

     

    Épisode 5/5 : L'impossible retour, la nostalgie à l'épreuve du temps

    Si aujourd’hui le doux nom de nostalgie évoque en chacun de nous un sentiment de rêverie et nous transporte au temps de l’enfance, il n’en fut pas toujours ainsi. La nostalgie a d’abord été une maladie, dangereuse, redoutée, dont on pouvait même mourir…

    Histoire des sensibilités

    Histoire des sensibilités

     Pour en savoir plus :

    Wikipedia

    Les livres d’Alain Corbin

    Les livres de Sylvie Steinberg

    Les livres de Robert Muchembled

    Les livres de Sarah Rey

    Anne Vincent-Buffault, Histoire des larmes XVIIIe-XIXe siècles)

    Les publications d’Emmanuelle Fantin

    Histoire des sensibilités

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  • Retracer l'histoire de sa commune

    « Nombreux sont les généalogistes qui souhaitent retrouver l’histoire de leur commune où ont vécu leurs ancêtres. Les érudits ou les responsable de bulletin municipaux veulent également en savoir plus. Or, il n’est pas si facile de savoir où chercher et comment le faire, tant les piste que la curiosité peut suivre sont nombreuses : la cartographie, l’étude de l’école, de la mairie, de l’église, des bâtiments publics ou privés, des rues, l’histoire de la population à travers les communautés religieuses, les associations, les corporations, la conscription ou les évolutions administratives au cours des siècles sont autant de sujets de recherche, qu’il est possible d’étudier aussi bien sur un seul que sur plusieurs siècles.

    Les archives communales sont riches de détails, mais elles ne sont pas les seules à pouvoir vous aider. Comme les arcanes des cadres de classement des documents anciens sont complexes, ce guide pratique vous fait découvrir les richesses des autres sites d’archives (départementales, nationales), celles des bases de données (en ligne ou non) ainsi que la possibilité de recherches dans les fonds privés, pas forcément accessibles au grand public. »

    A la demande d’Archives et Culture, cet ouvrage a été rédigé, en 2011, par deux spécialistes des recherches sur l’histoire communale :

    • Nicole ROUX, titulaire d’un DEA d’histoire moderne sur « la bourgeoisie Strasbourgeoise à la fin de l’Ancien Régime » est responsable de l’Action Culturelle et de la salle de lecture, chargée de la coordination du service éducatif aux Archives Départementales des Vosges depuis 2002 ; elle est chargée de visites guidées du service des archives comme des expositions qu’elle prépare et coordonne,
    • Delphine SOUVAY, titulaire d’une maîtrise d’histoire moderne sur « la mort à Epînal aux XVIIème et XVIIIème siècle », est chargée des archives communales et des archives modernes(1800-1940) aux archives départementales des Vosges depuis 2002 ; elle est également chargée de recherches historiques ; elle est l’auteur de l’article paru dans les Annales de la Société d’émulation des Vosges, « Victor Demange (1870-1940), un spinalien citoyen du monde».

    Voici très succinctement, les éléments que j’ai pu en tirer ; si vous voulez en savoir plus, bien évidemment, il vous faudra vous procurer ce livre très intéressant.

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    Retracer l'histoire de sa commune

    Avant de vous plonger dans les archives communales (ou municipales) consultez par exemple les sites d’histoires locales et/ou les clubs généalogiques du département concerné. Ils regorgent de « passionnés » qui se feront une joie de vous aider…..

    Pour cet article et mes recherches futures, j’ai réalisé

    C’est cadeau, et indispensable pour la suite !

     Les AD sont propres à chaque territoire ou régions tandis que les AC sont le reflet et l’histoire d’une même ville. AD ou AC, ce fut un réel plaisir de les « éplucher ».

    Le classement des AN est plus complexe et se trouve en ligne (ici)

     

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    A. LES SOURCES

     

    Les monographies communales : fruits d’une commande du Ministère de l’Instruction Publique qui souhaitait célébrer le centenaire de la Révolution Française ; vers 1888 (AD 71), le Ministère demande donc aux instituteurs de la République de décrire leur commune ; certains férus d’histoire dresseront un fidèle portrait, tandis que d’autres se contenteront d’un simple état des lieux, voire rien !Retracer l'histoire de sa commune

    Dans chaque département, des annuaires font état de la structure administrative voire industrielle et/ou commerciale des communes ; on peut depuis peu les retrouver dans les ressources en ligne de Gallica (BnF numérisée)

    • Série O des AD : administration et comptabilité communale / extraits de délibérations, des devis, des plans de budget
    • Série L des AD : administrations et tribunaux de la période révolutionnaire / mise en place de nombreux chantiers durant cette période

     

    Cas particulier d’une ville portuaire

    Pour écrire l’histoire d’une commune, il est bon de se poser des questions pertinentes :

    • cette ville a t-elle une histoire administrative mouvementée
    • a t-elle été intégrée rapidement à la France
    • a t-elle un passé militaire ou commercial : traite négrière, pêche à la morue, commerce des épices, chantiers navals, bagne….

    Attention ! Les archives des bagnes de Toulon, Brest, Rochefort, Le Havre, Cherbourt, Lorient ou Nice se trouvent au Service Historique de la Défense (SHD)

    • Pensez aux registres de l’inscription maritime qui recensent tous les professionnels du monde maritime
    • Intéressez-vous aux activités de commerce en analysant les registres de chargement des bateaux….

     

    Cas particulier d’une ville frontière

    Le territoire de la France a souvent changé au fil des conquètes ou des régimes politiques. Les territoires ayant une histoire mouvementée ont des particularismes que l’on trouve dans des sources spécifiques ; il est donc indispensable de s’intéresser au contexte politico-administratif d’une région.

    Par exemple, la commune de Schirmeck, actuellement dans le Bas-Rhin, appartenait au département des Vosges de 1795 à 1870.

    Il faudra également prendre en compte la langue.

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    B. CARTOGRAPHIE ET TERRITOIRE

     

    L’évolution de la cartographie

    Lorsque l’on pense aux cartes anciennes, on pense immanquablement aux cartes de Cassini ; mais on peut aussi compléter ses recherches avec

    • les séries DD des AC : biens communaux, eaux et forêts, travaux publics, voiries

    • les séries G et H des AD concernant les archives cléricales anciennes : plans d’abbaye et/ou dépendances territoriales

    • la série B des AD qui propose les archives seigneuriales avant la Révolution : plan d’actes de propriété, litiges entre propriétaires

    • la série Q des AD où sont consigné les domaines, les enregistrements et les hypothèques

    • les archives notariales et la série P des AD qui recensent le cadastre et les contributions.

     

    Le cadastre

    Le cadastre napoléonien date de 1807 ; c’est un document composé d’un plan parcellaire, d’un tableau d’assemblage, d’un état de section et de matrices cadastrales.

    Retracer l'histoire de sa commune

    Les rues et les quartiers

    Outre les plans incontournables, il faudra s’intéresser à l’histoire de la ville pour mieux en comprendre l’évolution : constructions, guerres, démolitions, aménagements

    • Les recensements (tous les 5 ans à dater de 1836) donnent la profession des habitants, la configuration des quartiers, nomment les rues et les bourgs

    • La presse locale peut apporter des informations complémentaires sur les grands travaux

    • Un nom de rue est un « odonyme » ; pour trouver une maison, il fallait donner son numéro, mais aussi le côté de la rue ; ce n’est qu’avec le décret du 04/02/1805 que la numérotation est obligatoire, et encore, pas dans dans toutes les communes….

    Attention !

    Avoir une rue à son nom, ne prouve pas la célébrité. Par exemple, à Epinal, se trouve la place Edmond-Henry ; il s’agit d’un citoyen « lambda » mort à 30 ans : sa mère éplorée fit un leg important à la commune à la condition que le nom de son fils soit donné à une place de la ville.

     

    La toponymie

    C’est la science des noms de lieux ; elle s’intéresse à son étymologie ainsi qu’à ses transformations au cours de l’Histoire.

    Elle classe les noms de deux manières :

    • d’un point de vue linguistique
    • selon la nature des lieux.

      Retracer l'histoire de sa commune

     

    L’école et la mairie ont souvent partagé les mêmes locaux

    • Série R des AC ou série T des AD

     

    L’eau dans la ville

    Fontaines, puits, lavoirs ont joué un rôle social très important.

    • Série M des AC

    • Sous-série F19, F13 et F21 pour le site de Paris et archives d’architectes au Centre des Archives du Monde du Travail à Roubaix

     

    L’église et ses bâtiments sont des lieux où se retrouvent les habitants de la paroisse. Ils nécessitent beaucoup d’entretien et de travaux ; ils génèrent donc de nombreux documents pour payer le matériel et les artisans.

     

    Bâtiments publics – Bâtiments privés

    Si les régimes politiques se sont succédés, les bâtiments eux ont perduré.

    • Série B des AD

    • Série L (plan des monastères)

    • dans les Archives nationales

        • sous-série F 13 – Bâtiments civils

        • sous-série F 17 – Instruction PubliqueRetracer l'histoire de sa commune

        • sous-série F 15 - Hospice

        • sous-série F 16 - Prisons

        • sous-série F 21 - Beaux-Arts

    Les voies de communication

      • Le réseau routier : les travaux sur les routes sont d’abord liés à une corvée obligatoire pour les hommes qui devaient venir avec les animaux, outils et voitures / liste des corvéables CC ou DD des AC

      • Lex réseaux ferroviaire et fluvial se sont beaucoup développés au 19ème siècle : série S des AD

      • L'Atlas de Trudaine ou l’atlas des routes de France est un atlas géographique de France, recensant routes, chemins et abords ; il a été réalisé entre 1745 et 1780 sur ordre de Daniel-Charles Trudaine, administrateur des Ponts et Chaussées.

    Retracer l'histoire de sa commune

       *

    C. LA VIE ADMINISTRATIVE ET LA POPULATION

     

    Telles que nous les connaissons, les villes n’apparaissent qu’à partir de 1792. Elles sont mieux structurées avec

    • des élections communales : Série D des AC

    • des délibérations : Série M des AD ou CC des AC

    • un personnel communal : Série K des AC ou O des AD

    Retracer l'histoire de sa communeLes armoiries communales, très marginales avant la Révolution, sont intéressantes, car elles peuvent avoir évoluées en fonction de l’histoire de la commune.

    Les cahiers de doléances sont souvent une source riche en matière de coutumes et d’habitudes.

    Les terrains communaux : sous l’Ancien Régime, ce sont les chartes de franchise ou les droits d’usage qui en déterminent l’utilisation. Vous les trouverez aux AC, AD voire au service des Impôts.

    Les prêtres des paroisses utilisent les registres paroissiaux pour raconter des évènements : Série F des AC et Série M des AD

    S’intéresser à l’histoire d’une commune, c’est également traiter la démographie : natalité, mortalité, émigration, patronyme et questions sociales /

          • Avant la Révolution : Série C des AD et CC des AC

          • Après la Révolution :

              • Série 6M des AD (recensements)

              • Série F des AC

              • Série M des AD (listes électorales)

              • Série K des AC

       *

     

    D. LA VIE QUOTIDIENNE

     

    La vie quotidienne était étroitement liée à la vie religieuse qu’elle soit catholique, juive, musulmane, protestante ou anglicane :

    • Les communautés religieuses : Séries G et H,des AD

    • Le curé et la vie paroissiale

    • L’assistance sociale et sanitaire.Retracer l'histoire de sa commune

     

    Les communautés villageoises ont un rôle social primordial tant par l’aide aux plus démunis que par l’établissement d’organismes de charité :

    • Les sages femmes et les médecins : recensements des AD

    • les établissements de santé ( hôpitaux, sanatorium, hospices) : Série H, Série X des AD

    • Les bureaux de bienfaisance : Série X des AD et Q des AC

    • Les associations (descendantes des patronages) :

        • Série M des AD

        • Journal Officiel des Lois et Décrets

        • Série J des AD

        • Série G et H des AD (confréries)

    Retracer l'histoire de sa commune

    Les corporations et les industries

    Si l’industrie est au cœur de l’activité économique d’une ville, l’artisanat – qui en est à l’origine – règne alors en maîtres dans les cités :

    • Les corporations

    • Les industries

        • Série M des AC

        • Série F 19 des AN

        • Série O et 5M des AD

        • Série P (activité d’un commerce)

        • Série R (dommages de guerre)

        • Série S (transport des marchandises

     

    La vie à la campagne est souvent identique d’une région à l’autre ; c’est une vie de culture, soumise aux aléas climatiques, avec des changements d’activité entre l’hiver et l’été :

    • L’agricultureRetracer l'histoire de sa commune

        • les monographies communales

        • Série M des AD

        • Les fonds privés

        • les archives d’associations

        • les syndicats agricoles locaux

     

    La vie quotidienne à la ville est fonction de la physionomie de la ville.

    Pour rappel, le tout-à-l’égout ne date que du milieu du 19ème siècle – et seulement pour Paris !

    Retracer l'histoire de sa communeDe même, les premières poubelles datent de 1884 et ce n’est qu’après la révolution hygiéniste que naît la cité plus propre.

    La ville fourmille de petits métiers (voir boite à outils sur mon site) ; pensez

    • aux commerces

    • aux papiers de famille : journaux, témoignages, photos…

    • à la vie culturelle et ses sources : représentations théâtrales, costumes, cinéma, casino, marchés (tissu, bétail, denrées alimentaires)….

     

    La conscription

    Villes et villages sont les premiers témoins de l’engagement de nos aïeux dans la vie militaire :

    • La circonscription militaire: SDH de Vincennes

    • La garde nationale, démantelée à la suite de la guerre 1870-1871 : AC

    • Les sapeurs pompiers : Série O et Série R des AD

    • Les douaniers et la gendarmerie : Série N des AD et Service Historique de la Gendarmerie.

     

    Voici donc un tour d’horizon très vaste qui vous donne un certain nombre de piste à explorer.

    Pour le reste, soyez créatif et partagez vos expériences ! On apprend toujours des autres...

     

    Pour en savoir plus :

    Portail de la cartographie (Wikipedia)

    L'atlas de Trudaine

    La série X des AD

    Retracer l'histoire de sa commune

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  • Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......"Du moment que vous les défendez, vous partagerez leur sort ! " Et pour n'avoir jamais transigé avec qu'elle appelait les "valeurs premières", Adélaïde Hautval, dite Haïdi, va devoir traverser l'enfer et survivre à 37 mois d'emprisonnement et de déportation. En sa qualité de médecin, à Auschwitz, elle est affectée au Revier (l'infirmerie) où elle soulage et soigne avec ses maigres moyens. Dans les cas les plus graves, elle s'arrange pour maquiller le diagnostic et permet ainsi à nombre de ses patientes d'éviter la chambre à gaz. Elle doit aussi travailler au sinistre Block des expériences médicales sur la stérilisation. Elle réussit d'abord à ne faire que soulager les jeunes martyrisées, témoin des horreurs perpétrées par les médecins SS. Mais quand elle reçoit l'ordre de prêter la main aux actes criminels, elle refuse, s'opposant frontalement aux nazis.

     

    *

    Médecin et résistante française, Adélaide Hautval est née en 1906. Fin septembre 1939, elle quitte l’Alsace où elle a étudié la médecine puis la psychiatrie, pour s’occuper des patients de l’hôpital psychiatrique de Vauclaire dans les Hautes Pyrénées. Mais son destin bascule fin mai 1942, arrêtée par la « Feldgendarmerie » en gare de Vierzon, sur la ligne de démarcation. Indignée par les rafles des irsraélites, elle ose s’interposer et prendre la défense d’une jeune juive : « du moment que vous les défendez, vous partagerez leur sort ! » Son sort était scellé en effet, la voici embarquée à la prison de Bourges.

    Mais avant d’arriver à Auschwitz-Birkenau, elle partage le long périple des femmes déportées d’un camp de transit à un autre.

    Juin 1942 : 1er camp à Pithiviers, sous la surveillance des gendarmes et des douaniers français.

    « Toutes ont été arrachées de chez elles sans qu’il leur ait été possible de prendre certaines dispositions nécessaires. »Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......

    Elle y retrouvera No Rabinovitch (voir La Carte Postale). Très vite, elle est confrontée aux femmes atteintes de dysenteries graves, coqueluches, scarlatines, diphtéries, rougeoles, et puis celles qui sont devenues folles….. Arrive alors ce terrible moment où mères et enfants sont séparés : « ce qui paraît impossible arrive quand même. »

    Fin septembre 1942 : le camp est évacué pour Beaune La Rolande, puis le Fort de Romainville. A côté des « criminelles » sont rassemblés tous les prisonniers communistes.

    5 novembre 1942 : transfert à la prison d’Orléans puis retour au fort de Romainville.

    21 janvier 1943 : c’est Compiègne puis départ pour Auschwitz dans « les wagons à bestiaux ».

     Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......Comme ses co-détenues, elle s’imaginait les casernes, le travail en usine, mais certainement pas ça : «  nous croisons des files d’hommes, aux costumes rayés. Puis des femmes. Têtes rasées. Des faces hébétées. L’une d’elles, qui à l’air de commander, tape dessus. (…) Premier contact avec un monde inconnu où le renversement des valeurs fait loi.

    Fils de fer électrifiés qui se perdent à l’infini. La détresse menace de nous envahir et , comme défi, toutes nous chantons La Marseillaise avant d’entrer. » Elles sont des « verkommenes volk », un peuple dégénéré comme ils disent les « kapos » et les SS.

    Adélaide Hautval est rapidement affecté comme médecin au bloc des Allemandes. La « Blockälteste » (chef de bloc détenue) est une « triangle noir » mais elle a le sens de la justice et une véritable estime s’installe entre les deux femmes.

    Pour son plus plaisir, les SS ont peur de la contagion et n’entrent pas au Revier (infirmerie) où elle essaie de soulager au mieux. Si les médecins Wirths, Rhode, König sont des « exécuteurs dociles des ordres donnés » , le Dr Mengele, quant à lui, est « un détraqué, un dangereux ». Elle va être sollicitée pour seconder ces médecins criminels pour mener à bien des expériences sur les déportées ; mais au péril de sa vie, elle leur opposera des refus sans appel.Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......

    Adélaide Hautval se bat pour sauver les femmes ; elle ruse pour les préserver de la solution finale et refuse de participer à la « sélection »….. Elle s’interroge continuellement : « si nous avions plus de courage, nous protesterions au lieu de laisser faire. Je me suis souvent demandée ce qui se passerait si à ces moments-là on essayait d’intervenir. Geste inutile ? Peut-être, mais ce n’est pas sûr. Il faut souvent si peu pour changer le cours des évènements, et un simple geste peut en susciter d’autres. » La peur est une arme puissante.

    Janvier 1944 : le groupe des Françaises est transféré à Ravensbrûck.

    Janvier 1945 : les convois arrivent toujours plus nombreux ; les sélections se poursuivent à un rythme de plus en plus effréné ; les Allemands ne peuvent plus cacher l’avance inexorable des Russes. Il faudra avancer coûte que coûte et les malades devront être tous exécutés. Eux qui Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......portent inscrit sur leur ceinturon « Gott mit us » (Dieu avec nous)

    La Libération arrive, mais elle ne fuit pas, comme beaucoup, légitimement ; elle, elle choisira de prolonger son séjour pour tenter de sauver ceux et celles qui n’ont plus la force de partir…..

    Ce récit est un document bouleversant ; victime de la barbarie nazie, le Dr Adélaïde Hautval a fait preuve d’un dévouement admirable et d’une très grande force de caractère. Comme de nombreux témoignages, elle parle bien évidemment du froid, de la faim, de la fatigue, du manque d'hygiène, des sévices et des humiliations, de l'absence de médicaments, mais aussi de ses « ruses » pour éviter que des femmes soient envoyées à la mort ; elle évoque également son refus de participer aux expériences médicales sans aucun but scientifique.

    Un livre difficile à lire, tant il est cruel, à vif et …. révoltant. Mais un livre qu’il me fallait absolument terminer.

    « Notre rôle n’est pas de juger. Mais à nous qui ne savons que trop jusqu’où peuvent mener la volonté de puissance et le mythe de la race supérieure, il appartient de lutter de toutes nos forces contre le danger toujours renaissant. »

     Une belle leçon de vie qui me confirme bien que le combat n'est jamais fini.....

     *

    Pour en savoir plus :

    Les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande (le CERCIL)

    Camp de Beaune-la-Rolande (AJPN)

    Le fort de Romainville ou la mémoire des murs

    Compiègne durant la guerre

    Le camp de Royallieu à Compiègne (1941-1944)

    Les expérimentations médicales à Auschwitz

    Commando de la mort. Camps de concentration de Auschwitz

    « Criminels de guerre » : nouvelle collection exceptionnelle pour Une histoire particulière (France Culture)

    Médecine et crimes contre l'humanité : Le refus d'un médecin......

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  • Le Service Historique de la Défense (SHD) de Caen est un centre d'archives militaires situé à Caen en Normandie, France. Il conserve les archives du ministère de la Défense relatives à l'histoire militaire française depuis le Moyen Âge jusqu'à nos jours.

    Le SHD de Caen est divisé en plusieurs départements qui couvrent différentes périodes de l'histoire militaire française, tels que le département de l'époque moderne, le département de la Première Guerre mondiale, le département de la Seconde Guerre mondiale, etc. Les archives conservées comprennent des documents officiels, des correspondances, des plans, des photographies, des cartes, des journaux de guerre et bien d'autres types de documents.

    *

    Une équipe de France 3 Caen s'est immergée au sein du Service Historique de la Défense de Caen Dans cet épisode, visite guidée de ce précieux lieu de mémoire par son responsable, Alain Alexandra, chef de la division des archives des victimes des conflits contemporains.

    Episode 1/4. Un reportage de Pierre-Marie Puaud, Jean-Michel Guillaud, Cyril Duponchel, Bastien Odolant, Clothilde Moschetti, Amandine Myhié et Marc Michel (cliquez sur l'image ci-dessous)

    Service Historique de la Défense feuilleton

     

    Episode 2/4. Une équipe de France 3 Caen s'est immergée au sein du Service Historique de la Défense de Caen Dans cet épisode, Mireille Riffaud part à la recherche d'informations sur ses deux oncles, prisonniers en Allemagne pendant la seconde guerre mondiale. Elle est accompagnée dans ses recherches par le responsable du centre d'archives, le chef de division Alain Alexandra

    Un reportage de Pierre-Marie Puaud, Jean-Michel Guillaud, Bastien Odolant, Choltide Moschetti, Amandine Myhié, Marc Michel (cliquez sur l'image ci-dessous)

    Service Historique de la Défense feuilleton

     

    Episode 3/4. Une équipe de France 3 Caen s'est immergée au sein du Service historique de la Défense situé à Caen, dirigé par le chef de Division Alain Alexandra. Dans cet épisode, rencontre avec Arnaud Bouligny, chercheur à la Fondation pour la mémoire de la déportation, qui , depuis plus de vingt ans, a entrepris avec ses collègues chercheurs un minutieux recensement des victimes de la barbarie nazie.

    Un reportage de Pierre-Marie Puaud, Jean-Michel Guillaud, Bastien Odolant, Clothilde Moschetti, Marc Michel (cliquez sur l'image ci-dessous)

    Service Historique de la Défense feuilleton

    Episode 4/4. Une équipe de France 3 Normandie s'est immergée au sein du Service historique de la Défense à Caen Dans cet épisode, rencontre avec un étudiant en histoire, Joseph Piccinato, qui est depuis de nombreux mois un habitué de la salle de lecture. Pour son mémoire de recherche consacré aux karkis pendant la guerre d'Algérie, cet étudiant de l'université de Caen consulte de nombreux dossiers d'archives, accompagné par le responsable du centre , le chef de division Alain Alexandra.

    Un reportage de Pierre-Marie Puaud, Jean-Michel Guillaud, Clothilde Moschetti, Bastien Odolant, Marc Michel (cliquez sur l'image ci-dessous)

    Service Historique de la Défense feuilleton

    Pour en savoir plus :

    Le Service Historique de la Défense (2019)

    Trésors d’archives : La Division Symbolique de la Défense

    Service Historique de la Défense

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  • Identification au traumatisme des petits-enfants de survivantsVoici un petit livre de 115 pages, petit, mais « un peu » compliqué à lire…. Mais totalement dans la continuité de mes recherches généalogiques.

    « Cet ouvrage s'intéresse aux effets psycho-traumatiques vécus par les descendants de survivants déportés - et plus précisément, à la 3ème génération – ayant côtoyé la mort des mois ou des années durant. En croisant des travaux pluridisciplinaires de psychanalystes, de sociologues et de médecins, il investigue le vaste sujet du traumatisme, qui demeure en outre d’actualité.

    Le psycho-traumatisme se transmet-il ? Quels en sont les effets sur l'ensemble de la lignée familiale d’un vaste massacre humain ? Quel rôle l’enfant parvient-il à se créer au sein de sa famille ; sera t-il en mesure de s’y situer ?

    Autant de questions sur lesquelles Marie-Laure Balas-Aubignat s’est penchée, en interviewant une dizaine de petits-enfants de survivants. Un livre qui pourra intéresser toute personne qui a été confrontée, d’une façon ou d’une autre, à un traumatisme collectif, ainsi que tout étudiant ou professionnel en sciences humaines et sociales. »

    *

    L’auteure Marie-Laure Balas-Aubignat – psychanalyste psychologue clinicienne – explique qu’il existe deux types de traumatisme :

    • soit le fait d’être confronté à une situation dans laquelle les défenses disponibles ne sont pas suffisantes pour endiguer l’afflux pulsionnel (Freud 1920),

    • soit le fait d’être soumis à une entreprise délibérée de destruction de l’enveloppe ; Tobie Nathan en 1991 nomme ce dispositif « logique traumatique ».

    Le livre de M-L Balas-Aubignat porte sur ce deuxième type de traumatisme, passant en revue les travaux de différents scientifiques sur le sujet.

    F. Sironi (1989) a étudié le système « tortionnaire / torturé » afin d’en dégager les processus intervenant dans le traumatisme intentionnel, en décrivant les techniques utilisées :Identification au traumatisme des petits-enfants de survivants

    • mécanismes de douleurs,

    • privations, effroi,

    • transgression des tabous culturels et déshumanisation,

    • brouillage des repères sensoriels,

    • instauration d’un code obsessionnel,

    • situation de perversion logique.

    Nathalie Zajde ( 1992) identifie les deux premières générations dans la population juive vivant en France :

    • les survivants qui ont connu le traumatisme de l’extermination,

    • les enfants de survivants,

    et discerne leur « double nature » : celle du temps de l’extermination et celle du retour à la vie normale. Elle définit alors les mécanismes de transmission du traumatisme.

    Tous les survivants expriment les mêmes temps fondamentaux de déconstruction de la personnalité :

    • dépersonnalisation (Cohen, 1953)

    • schizophrénie (Bethelheim, 1952)

    • anesthésie psychique et dédoublement de la personnalité (Lifton, 1967 et 1986)

    Par mesure de protection, les survivants sont donc devenus « un autre », une altérité déstructurante. Après avoir intériorisés leurs cauchemars, ils doivent faire face à un second traumatisme : « celui de l’adaptation quasi immédiate au monde des vivants ». 

    Identification au traumatisme des petits-enfants de survivantsWilliam G. Niederland en 1968 et Léo Eitinger en 1961 ont étudié les principaux signes psycho pathologiques et traits de personnalité (DSM III / Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ) :

    • sentiment de peur, de terreur et d’abandon,

    • reviviscence de l’évènement traumatique,

    • évitement de stimuli liés à l’évènement,

    • hyperactivité neurovégétative,

    • rêves traumatiques,

    • souvenirs récurrents,

    • périodes sensibles au moment des anniversaires,

    • états dissociatifs,

    • irritabilité particulière,

    • perte de la capacité de concentration,

    • labilité émotionnelle,

    • réduction de la capacité de modulation des affects,

    • peurs et soucis injustifiés et excessifs.

    Aucune transition entre les deux mondes : avant et après. Les traumatismes ont donc induits chez les survivants ce que Sandor Ferenczi (1982) appelle « un clivage du moi ».

    Toutes les douleurs ont été intériorisées : « la torture est utilisée pour faire parler, mais pour faire taire aussi » (F. Sironi 1997)Identification au traumatisme des petits-enfants de survivants

    Les enfants des survivants sont devenus « la crypte » abritant d’indicibles secrets (F. Sironi 1991). Le traumatisme perdure de génération en génération : c’est l’identité négative du survivant qui se « duplique » chez son enfant (N. Zajde 1996) ; les enfants de survivants sont donc condamnés à devenir les garants de l’évènement traumatique (Abraham et Torok 1978) ; l’enfant est un réparateur, un support d’étayage ; il reste collé au traumatisme parental.

    « L’enfant est soumis à une telle emprise qu’il se trouve comme confronté à un interdit de symbolisations dans la succession des générations » (J. Altounian, 2000).

    Les enfants de survivants occupent une double fonction :

    • une fonction vitale : un enfant surinvesti, lorsque par exemple, il porte le même nom qu’un mort de la famille dans le camps,

    • une fonction d’oubli : rappeler l’origine, empêcher l’oubli, le déni, afin de ne pas sombrer et accentuer le vide provoqué par les SS.

    Et l’auteure conclut : « comme si le petit enfant tentait de réinscrire sa mère (2ème génération) dans les traces de ses parents (1ère génération) pour rétablir un lien, une enveloppe maternante qui lui a fait défaut petite. »

    *

    Identification au traumatisme des petits-enfants de survivantsPour en savoir plus :

    Bourreaux et victimes de F. Sironi

    Thèse de N. Zajde

    Traces psychiques, mémoires cryptées et catastrophes historiques (Cairn)

    Leo Eitinger, le psychiatre sorti d’Auschwitz

    La découverte impardonnable de Ferenczi (Cairn)

    Sándor Ferenczi (1873-1933) (France Culture)

    Maria Torok, les fantômes de l'inconscient (Cairn)

    L’Oeuvre de Nicolas Abraham et Maria Torok

    La clinique psychanalytique à partir de l'œuvre de Nicolas Abraham et de Maria Torok (Cairn)

    La survivance, traduire le trauma collectif ” de Janine Altounian (Cairn)

    Identification au traumatisme des petits-enfants de survivants

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  • Sages femmesQuatrième de couverture : « Hantée par des rêves de chevaux fous aux prénoms familiers, poursuivie par la question que sa fille pose à tout propos - a Elle est où, la maman ? " -, Marie vit un étrange été, à la croisée des chemins. Quand, sur le socle d'une statue de la Vierge au milieu du causse, elle découvre l'inscription Et à l'heure de notre ultime naissance, elle décide d'en explorer la mystérieuse invitation. Dès lors, elle tente de démêler l'écheveau de son héritage. En savoir plus sur ses aïeules qui, depuis le mitan du XIXe siècle, ont donné naissance à des petites filles sans être mariées, et ont subsisté souvent grâce à des travaux d'aiguille, devient pour elle une impérieuse nécessité. Elle interroge ses tantes et sa mère, qui en disent peu ; elle fouille les archives, les tableaux, les textes religieux et adresse, au fil de son enquête, quantité de questions à un réseau de femmes, historiennes, juristes, artistes, que l'on voit se constituer sous nos yeux. Bien au-delà du cercle intime, sa recherche met à jour de puissantes destinées. A partir .des vies minuscules de ses ascendantes, et s'attachant aux plus émouvants des détails, Marie imagine et raconte ce qu'ont dû traverser ces "filles-mères ", ces "ventres maudits" que la société a malmenés, conspués et mis à l'écart. A fréquenter tisserandes et couturières, à admirer les trésors humbles de leurs productions, leur courage et leur volonté de vivre, la narratrice découvre qu'il lui suffit de croiser fil de trame et fil de chaîne pour rester ce cheval fou dont elle rêve et être mère à son tour. Car le motif têtu de ce troublant roman, écrit comme un pudique hommage à une longue et belle généalogie féminine, est bien celui de la liberté, conquise en héritage, de choisir comment tisser la toile de sa propre destinée. »

    *

    Nous avons tous commencé notre arbre généalogique en questionnant notre famille ; certains ont pu avoir de rares informations, d’autres ont dû prendre leur bâton de pèlerin et parcourir lesSages femmes chemins de traverse pour avoir quelques brides de réponses.

    L’auteur Marie Richeux s’est laissée prendre au piège dans les trames de son histoire tout en s’appliquant à démêler chaque fil de ses découvertes : l’hôtel-Dieu de Reims, hospices pour indigents et mères célibataires, des toiles, des broderies et des courtepointes.

    J’ai bien failli manquer ce rendez-vous, puisqu’il m’a fallu arriver à la page 83 pour enfin me sentir embarquée dans l’aventure ! … et seulement lorsque l’auteure commence à fréquenter les archives pour retrouver des traces de sa filiation ; elle découvre alors sur plusieurs générations des « filles-mères » toutes liées entre elles par le même métier :

    « Je visualisai les lettres fines et penchées de l’acte de naissance d’Ernestine, et mon sursaut du cœur, à la énième lecture de l’acte, devant le métier de sa mère Marie-Julie : tisseuse. Ernestine avait été couturière, l’état civil et les archives le confirmaient, mais il apparaissait que le travail du fil unissait toutes les générations : Marie-Julie tissait, sa mère Marie, tissait, son père Jean, tissait et des deux frères aussi. »

    Marie est submergée par ses réflexions, tentant de trouver des réponses à ces transmissions, au regard de la société sur ces femmes :

    « Qu’est ce qui avait motivé pendant des siècles la haine et le rejet dont les filles-mères étaient l’objet ? Le fait qu’elles ne soient pas mariées ? Ou le fait que l’absence de mariage rende leur sexualité crue, visible, réelle en somme, pas abritée, pas surveillée, pas régulée ? C’est cela qu’on avait voulu tuer et c’est peut-être cela que je traversais ma manière, bien des années plus tard et dans une toute autre condition. Me dire enceinte, c’était apparaître dans l’habit souillé de la sexualité des femmes. »

    L’auteure se laisse embarquer par le plaisir de l’enquête généalogique ; elle nous entraîne avec elle au gré de ses découvertes – et de ses rêves ! « en suivant la piste des sœurs brodeuses » de l’Hôtel-Dieu de Reims ; même s’il subsiste des interrogations sur la peur de l’abandon, de la mort, bien sûr, les douleurs de l’enfantement, douleurs accentuées par l’absence d’un mari, elle pose ses questions sur

    • les méthodes de l’abandon et son éventuelle reconnaissance,
    • la pratique de la couture et les techniques de broderies « religieusement » conservées,
    • les maisons d’internement des filles illégitimes.

    Dans les archives municipales de Reims, la BNF ou Gallica, les Archives Hospitalières, elle Sages femmesrecherche de possibles réponses au travers de l’« agitation sociale », de « la rudesse » du travail et du quotidien de ces « véritables misères de vie ».

    « Dans les archives de l’état civil, j’avais retrouvé, à la génération suivante, ce même délai entre la naissance de Madeleine en tant que fille naturelle par sa mère Ernestine. J’en avais fait l’occasion d’épaissir le mystère. Avaient-elles songé un instant à abandonner leur enfant ? Avaient-elles hésité à être mères ? (….) Je voulais et ne voulais pas savoir. »

    Elle est émerveillée devant les broderies des femmes, les courtepointes rémoises, mais toujours avec tendresse, respect et poésie.

    « Je savais cela et je venais de faire un grand détour par le XIXème siècle pour prendre ma place dans le peuple secret des tisserandes. » Alors elle coud et découd des histoires au gré des pages des registres d’archives : « il y avait là un vêtement qui me tombait parfaitement sur le corps. Tisser, penser, donner naissance. »

    Marie prend alors conscience, trame après fils, que nous avons toutes, dans nos généalogies, « des femmes, qui, pour sortir de leur condition crasse, ont cousu, à la fois pour survivre et aussi pour créer du beau. »

    Voilà un ouvrage bien difficile à résumer ; le style est élégant, empreint de délicatesse et deSages femmes sensibilité. Il est une quête : Marie cherche sa place dans cet immense communauté de femmes brodeuses-tisseuses….

    « C’était donc ainsi que l’on grandissait, empruntant aux autres, rejouant leur scènes, décalant leurs gestes, leurs bonheurs et leurs chagrins. (…) Je repensai aux couturières, qui n’étaient pas putes. Je repensai à toutes ces femmes, mères d’enfants considérés comme illégitimes, qui, si elles n’étaient pas toujours traitées de putains, l’étaient aux yeux d’une grande part de la société. »

    Ce livre m’a ému ; il m’a touchée car une branche de ma famille, après avoir quitté son Alsace natale en 1872, s’est réfugiée à Reims.

    *

     

    Pour en savoir plus :

    Exposition Sheila Hicks à Pompidou

    Les toiles brodées, anciennes mantes ou courtes-pointes, conservées à l'Hôtel-Dieu de Reims : rapport lu à l'Académie (Gallica)

    Métier à tisser : Sages femmes de Marie Richeux

    Histoires de transmission avec Marie Richeux • Podcast Les Éclaireurs de Dialogues

    Le musée Saint-Rémi à Reims

    Sages femmes

     

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  • La carte postaleQuatrième de couverture : « La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de voeux. Elle n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l’opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j’ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s’ouvraient à moi.

    Ce livre m’a menée cent ans en arrière. J’ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.

    J’ai essayé de comprendre pourquoi ma grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Et d’éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages.
    Le roman de mes ancêtres est aussi une quête initiatique sur la signification du mot “Juif” dans une vie laïque.
    »

    *

    Lélia Picabia, la mère de l’auteure, reçoit une carte postale, anonyme, représentant l'Opéra Garnier, mentionnant l'adresse de la destinataire, ainsi que quatre prénoms inscrits les uns en dessous des autres : Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques. Ceux de ses grands-parents maternels, de sa tante et de son oncle, tous décédés en déportation durant la Seconde Guerre mondiale.

    Myriam, la grand-mère est la seule à échapper au funeste destin de la famille entière. Elle a laissé à sa fille et à ses deux petites-filles le terrible poids d'un silence étourdissant…La carte postale

    À la fois récit des origines et enquête familiale, ce roman se dévore. IL était donc impensable pour moi de ne pas partager cet excellent récit familial, tant il est riche de réflexions et de repères historiques. Parce que - vous commencez à me connaître - j’ai vérifié chaque information, ayant le souhait de compléter mes quelques connaissances.

    Loin de moi l’idée de juger nos aïeux – qui suis-je pour oser même y penser ! - je me suis toujours demandée pourquoi tous ces gens ne s’étaient jamais révoltés, d’autant plus qu’ils étaient en nombre plus importants que leurs tortionnaires.

    Je cherche simplement à comprendre ; c’est d’ailleurs ce qu’Anne BEREST et sa mère ont fait : investiguer dans les boites d’archives pour rassembler, découper, reconstruire la mémoire de sa famille et restaurer avec intelligence l’histoire funeste des Rabinovitch.

    « En Egypte, insistait Nachman, les Juifs étaient esclaves, c’est-à-dire : nourris et logés. Ils avaient un toit sur la tête et de la nourriture dans la main. Tu comprends ? La liberté, elle, est incertaine. Elle s’acquiert dans la douleur. L’eau salée que nous posons sur la table le soir de Pessab représente les larmes de ceux qui se défont de leurs chaînes. Et ces herbes amères nous rappellent que la condition de l’homme libre est par essence douloureuse. Mon fils, écoute-moi, dès que tu sentiras le miel se poser sur tes lèvres, demande-toi : de quoi, de qui, suis-je l’esclave ?

    Ephraim sait que son âme révolutionnaire est née là, dans les récits de son père. »

    Avec intelligence et respect, Anne Berest décortique le processus de recherche pour écrire son roman familial ; au fur et à mesure que l’on tourne les pages, que l’on avance dans l’investigation, je comprends mieux certaines répercussions sur le présent ; ce livre est toutefois très éprouvant, grave, sensible, et je dirai même pudique...

    La carte postale
    J’ai enfin compris pourquoi toutes ces personnes ont gardé le silence….


    « Les déportés s’allongent sur les tapis parce qu’ils ne réussissent plus à être dans un lit. Souvent ils sont à plusieurs les uns contre les autres, pour trouver le sommeil. Tous se sentent humiliés, avec leurs crânes rasés, les abcès et les phlegmons qui infectent leurs peaux. Ils savent qu’ils font peur. Ils savent que c’est une souffrance de les regarder. »

    Cette carte postale mériterait d'être lue par tous, et notamment expliquée aux lycéens qui, je n’en doute pas, ne seraient pas insensibles au destin de la famille Rabinovitch ; je n’avais que 14 ans lorsque mon collège a passé le terrible film « Nuit et Brouillard »….

    Ce livre est un formidable support d’histoire et aborde :

    • les juifs discriminés en Russie

    • l’envahissement de la Pologne ; « les français et les anglais lancent de faibles offensives, ils semblent ne pas véritablement y croire. »

    • la guerre, avec son lot de morts, de déplacés, d’expulsés et de couvre-feux

    • les Allemands sur la capitale : Hitler visite Paris le 23 juin 1940 ; « son monument préféré l’opéra Garnier, avec son architecture néo-baroque. » (…) L’idée est de promouvoir la qualité de vie française. Une expression yiddish est cyniquement détournée pour devenir un slogan nazi, Glücklich wie Gott in Frankreich – Heureux comme Dieu en France ».La carte postale

    • le quotidien des parisiens : les écoles réquisitionnées, la croix gammée flottant sur les bâtiments officiels, le nom des rue inscrit en allemand, les tickets de rationnement pour faire ses cours et « les civils doivent aveugler toutes leurs fenêtres en les recouvrant de satinette noire, ou d’un coup de peinture, afin d’éviter le signalement des villes aux avions alliés. »

    • Pétain, chef d’état français, sa politique de rénovation nationale et le début de la répression contre les juifs : « Le propre de cette catastrophe réside dans le paradoxe de sa lenteur et de sa brutalité (…) Mais il est trop tard. Cette loi du 3 octobre 1940 considère comme juive toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif. Elle interdit aux Juifs les métiers de la fonction publique.»
    • le recensement de tous les juifs et …. la clandestinité : « Deux frères mythologiques. Ephraim a toujours été travailleur, fidèle à son épouse, soucieux du bien commun. Emmanuel n’a jamais tenu ses promesses (…). En temps de paix, ce sont les Ephraim qui fondent un peuple – parce qu’ils font des enfants et qu’ils les élèvent avec amour, avec patience et intelligence (…) ils sont les garants d’un pays qui fonctionne. En temps de chaos, ce sont les Emmanuel qui sauvent le peuple – parce qu’ils ne se soumettent à aucune règle (…). »

    • la spoliation des biens et la longue marche de la déshumanisation…..

    Au fil de ma lecture, j’ai assimilé de nouvelles méthodes de recherches, enrichi mon panel La carte postaled’exploration au travers de documents insoupçonnés, sans rester « accrochée » à mon arbre et me priver d’autres pistes.

    Dieu que cette lecture fut difficile, mais tellement captivante !

    Si l’on doit retenir une seule chose de livre, c’est que les « Les silences font toujours souffrir…. »

    « - Pourquoi tu fais tout ça ? A quoi cela te sert ?

    - Je n’en sais rien, maman, c’est une force qui me pousse. Comme si quelqu’un me demandait d’aller jusqu’au bout.

    - Et bien moi j’en ai ras le bol de répondre à tes questions ! C’est mon passé ! Mon enfance ! Mes parents ! Tout cela n’a rien à voir avec toi. Et j’aimerais que tu passes à autre chose maintenant. »

    Comme cette réplique me fait écho….

    *

    Pour en savoir plus :

    L’arbre de Noemie (Geneanet)

    L’arbre de Myriam (Geneanet)

    Savez-vous ce qu'est une Datcha?

    La liste Otto (Gallica)

    Les Juifs de Lettonie - De l'oubli à la mémoire  (Cairn)

    Inauguration de l'exposition "Le Juif et la France " au Palais Berlitz (INA)

    La rafle du billet vert (France24)La carte postale

    Les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande (Cercil – Musée mémorial des enfants du Vel d’hiv

    Les déportations de France (Chemins de mémoire)

    Retour au Lutetia (Les sanglots longs des violons)

    Des femmes au service du Reich (Arte)

    Un jour à Auschwitz (ARTE)

    MORÉNAS François, Guilhem (Le Maitron)

    Gabrielle Jeanine Picabia, chef du réseau Gloria SMH (Musée de la Résistance)

    Réseau Gloria SMH : états des agents P2 (SHD)

    Résistants du Vercors, des vies engagées

    Anne Berest / prix et distinctions (Wikipedia)

    Anne Berest - La carte postale

    La carte postale

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  • Le regard de Jeanne ou la vie des photographes itinérantsFin des années 1860. Jeanne, une orpheline de 16 ans, s'enfuit de la ferme où sa belle-mère l'a placée. Arrivée à Port-Dieu, en Dordogne, elle est embauchée comme fille de cuisine par une aubergiste. Le jour où Florimond, photographe ambulant, débarque dans le village avec sa roulotte et sa jument, la jeune fille est fascinée par ce drôle de personnage. Malgré leur différence d'âge, une relation forte naît entre eux. L’aventure commence…. Dans la région de Clermont-Ferrand.

    Je dis toujours qu’il y a deux façons de lire un livre : soit se contenter de lire une histoire bien sympathique, ou bien de « creuser » un peu plus loin pour approfondir l’environnement, les personnages et vérifier la véracité des faits.

    J’aurais pu me contenter de cette belle histoire entre une jeune femme qui chemine avec un photographe ambulant, sans me poser de questions ; pourquoi pas ! Mais voilà, je n’ai pu m’empêcher d’aller plus loin ; d’autant plus que l’auteur Jean-Guy SOUMY a reçu le prix d’Arverne 2022 pour ce superbe roman régional où il relate l’existence des photographes itinérants à la fin du XIXème siècle au travers des paysages auvergnats.

    Le prix Arverne a été créé en 2007 à l'initiative de la Ligue auvergnate et du Massif Central ; il est destiné à récompenser une publication littéraire, soit écrite par une personne originaire de l'un des sept départements que représente la Ligue auvergnate et du Massif Central, à savoir : l'Aveyron, le Cantal, la Corrèze, la Haute-Loire, le Lot, la Lozère et le Puy-de-Dôme, l'Allier et la Creuse soit qui traite d'un sujet concernant l'Auvergne (Wikipedia).

    Ce fut pour moi l’occasion d’allier deux passions : la photographie et la généalogie.

    Le regard de Jeanne ou la vie des photographes itinérants

    Jeanne découvre le métier de photographe ambulant, son savoir-faire, son savoir-être aussi, et le personnage que Florimond doit afficher pour être crédible :

    « … lorsque je m’approche d’un village, je mets un chapeau sur ma tête pour inspirer confiance, faire croire que je suis un « monsieur ». Mais je ne suis qu’un photographe ambulant. Un homme sans attache. »

    Elle apprend toutes les techniques, tout en restant concentrée, méthodique et très ordonnée ; elle qui était destinée à n’être qu’une simple fille de ferme, va se révéler :

    «… Florimond entre dans la tente percée d’une lucarne jaune et recouvre une plaque de collodion humide. C’est une opération qui demande de l’habileté, la couche de collodion devant être homogène, sans amas et sans manques. Il plonge alors la glace dans un bain d’argent puis la place dans un châssis de bois. A partir de maintenant, le temps lui est compté. Avant que le collodion ne sèche, il doit prendre la photographie et retourner dans la tente pour y révéler et fixer le négatif apparu sur le verre. »

    ……………..

    « Un scalpel, des entonnoirs, des éponges, une paire de pinces en corne. Sur le plancher, des caisses en bois pourvues de claies dans lesquelles sont stockées verticalement les plaques de verre. D’autres casiers, avec des trous pour maintenir droites des bouteilles étiquetées… Alcool, peroxyde, éther, iodure d’argent… pour le collodion. Et là, acide gallique, acide acétique, hyposulfite de soude pour la fixation de l’épreuve sur verre. Chlorure de sodium pour la préparation papierLe regard de Jeanne ou la vie des photographes itinérants

    Florimond est un artiste « magicien » ; il immortalise le regard de ceux qu’il emprisonne dans son boîtier photographique, tout en adéquation avec la lumière naturelle ; il nous initie aux temps de pause (très long pour l’époque), au choix du décor et de l’appareil ; il nous invite dans son atelier et nous familiarise avec les produits de son laboratoire. Il nous apprend la minutie, la rigueur et l’exactitude de son art, où l’approximation n’a pas sa place.

    « …. replié la tente, rangé le matériel, les bacs, les bassines, les flacons, les bouteilles d’acide, les châssis, la toile de fond, les piquets, la corde…. »

    Si ce roman aborde la vie d’un photographe ambulant, il aborde également la condition féminine au 19ème siècle, en passant par la syphilis (et la prostitution), l’environnement carcéral et les codes vestimentaires puisque Jeanne n’hésitera pas « porter la culotte » !

    Ce livre est un réel dépaysement et un excellent moment de lecture…. Enrichissante !

    Pour en savoir plus :

    La Ligue Auvergnate

    Mackenstein

    L'historique et l'évolution de l'art de la photo !

    Manuel opératoire de photographie sur collodion instantané / par Disdéri,... (Gallica)

    ALLOUEL Émile, Jacques, Étienne (Dictionnaire des imprimeurs-lithographes du 19ème siècle)

    La Société HERMAGIS

    Loi de la presse sous le Second Empire et la Troisième République (Wikipedia)

    Histoire de la syphilis : son origine, son expansion (Gallica)

    Abrogation de l'interdiction du port du pantalon pour les femmes (Sénat)

     

    Le regard de Jeanne ou la vie des photographes itinérants

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  • Le guerrier de porcelaineJuin 1944, le petit Mainou, neuf ans, vient de perdre sa mère, morte en couches. Son père décide de l'envoyer chez sa grand-mère, à la « Frohmühle » la ferme-épicerie familiale, située en Lorraine et par-delà la ligne de démarcation. Nous sommes au pays de Bitche.

    Mainou va donc faire la connaissance de cette famille mosellane : découvrir avec l'oncle Émile le pouvoir de l'imagination, trouver la force de faire son deuil et de survivre dans une France occupée ; si sa grand-mère est la sagesse incarnée, frêle et forte à la fois, sa tante Louise recherche son courage dans la foi.

    Mainou n’a pas grand-chose à faire, enfermé dans LA chambre de sa maman ; alors il va lui écrire, il va lui raconter avec ses mots et ses émotions d’enfant, son quotidien avec ses chagrins, ses angoisses, ses questionnements et sa curiosité….

    « Le grand beau à regarder par la fenêtre, comme quand on est malade. Je m’efforce d’imaginer une balance pour équilibrer le positif et le négatif. »

    Une curiosité qui va lui permettre de percer bien des secrets. « J’ai la sensation que tout est monté à l’envers depuis que tu es partie, comme si la nuit tu avais travaillé à remettre le monde en place. C’est à moi de le faire maintenant. Je ne sais pas trop comment ça marche, le monde. L’Émile dit que je dois commencer par essayer de faire fonctionner le mien.Le guerrier de porcelaine

    - Le seul jouet sur lequel tu peux compter, c’est ton cerveau ! Fouille sous la colère ce qu’il reste de joie et rééduque ton rire. »

    Son oncle Émile va l’aider à trouver le temps un peu moins long en s’occupant de son éducation : « désobéir tout le temps, c’est à peu près aussi stupide que d’obéir tout le temps, mais ça a le mérite d’être un tout petit peu plus divertissant. Regarde ces abrutis de nazis, on en est là parce qu’ils sont tous partis du principe qu’il fallait obéir sans réfléchir. »

    Mainou se pose beaucoup de questions : faut-il être un rêveur comme oncle Emile et « oublier que quand on rêve trop grand, on passe sa vie à être déçu de la réalité » ou bien rêver comme tante Louise et « oublier que quand on ne rêve pas ses propres rêves, on s’emmerde ».

    Le guerrier de porcelaineLe temps passe : entre la chambre de sa mère et la cave où il se met à l’abri des bombardements. Au fil du temps, Mainou grandit ; ses quelques mois de guerre l’ont vu mûrir : «  A force de t’écrire, j’ai construit tout un monde où je te retrouve. (…) C’est une forme de magie artisanale, comme faire pousser des trucs dans le jardin. Le jardin, c’est moi. L’eau, c’est l’Emile... »

    L’écriture, la poésie vont permettre à Mainou de surmonter ce violent séisme que sont la perte de sa mère et la réalité de l'Occupation. Mais l’enfant s’en sortira grandi, car « l’amour ça s’entretient comme un potager. Et la poésie, c’est le meilleur des engrais. »

    Le « petit Mainou » est le père de l’auteur ; il aura fallu plus de six ans à Mathias MALZIEU pour écrire ce récit, un roman intime, où se mêlent humour, tendresse et poésie. Si certains passages font sourire, d’autres en revanche mettent les larmes aux yeux. C’est un livre très émouvant, un livre écrit avec des tripes…. C’est un bel hommage à son « merveilleux papa » et à toute sa famille.

    Souvenez-vous : on ne dit jamais assez que nous aimons ; le temps passe, s’accélère… et si la pudeur vous retient, écrivez…..

    *

    Mathias MALZIEU est un musicien, chanteur, écrivain, scénariste et réalisateur français, né le 16 avril 1974 à Montpellier. Il est le chanteur du groupe de rock français Dionysos. Une petite pépite !

    *

    Pour en savoir plus :

    Mathias Malzieu, Le Guerrier de porcelaine : histoire de la création du livre

    Mathias Malzieu, Le Guerrier de porcelaine : un père héros et lecteur

    Wikipedia

    Le chêne (groupe Dionysos)

    Le guerrier de porcelaine

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  • Des abandons d’enfant au XIXe siècle aux accouchements sous X aujourd’hui, quel est le rôle de la contrainte économique dans le choix de vivre sans enfant ?

    À Paris, entre la fin du XIXe et le milieu du XXe siècle, près des trois quarts des femmes qui abandonnent un enfant sont domestiques ou ouvrières. Avant la diffusion et la légalisation des moyens de contraception et d’avortement, la décision de ne pas garder son enfant est très souvent dictée par la contrainte économique. (cliquez sur l'image)

    Le choix et la contrainte

    Le choix et la contrainte

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  • La goûteuse d'HitlerRosa SAUER est née le 27 décembre 1917, son père était cheminot et sa mère couturière ; nous sommes en 1943. Berlin, capitale du IIIème Reich, est bombardée et Rosa perd ses parents ; elle se réfugie alors chez ses beaux-parents, à Gross-Partsch, son mari Gregor s'étant engagé dans l'armée allemande.

    Gross-Partsch est un village situé en Prusse orientale, où est installé le Quartier général d'Hitler. Reclus dans « la tanière du loup » et terrorisé à l’idée que l’on attente à sa vie, Hitler a fait recruter des goûteuses. Parmi elles, Rosa.

    Rosa ne peut rien faire d'autre que de suivre les SS venus la chercher pour l'emmener à la caserne Krausendorf. Et lorsqu’ils lui ordonnent de porter une cuillerée à sa bouche, elle s’exécute, la peur au ventre : chaque bouchée est peut-être la dernière. On ne s’oppose pas aux directives de la Gestapo. Toutes les « goûteuses » doivent tester la nourriture destinée au dictateur. La réalité est la même pour toutes : consentir à leur rôle, c’est à la fois vouloir survivre et accepter l’idée de mourir.La goûteuse d'Hitler

    Mais Rosa doit affronter une autre guerre entre les murs de ce réfectoire : considérée comme « l’étrangère », « la Berlinoise », Rosa doit affronter l’hostilité de ses compagnes, dont Elfriede, une personnalité aussi charismatique qu’autoritaire.

    « Pourquoi, depuis un certain temps, me retrouvais-je dans de endroits où je ne voulais pas être et l’acceptais-je sans me rebeller, pourquoi continuais-je à survivre chaque fois que quelqu’un m’était enlevé ? La capacité d’adaptation est la principale ressource des êtres humains, mais plus je m’adaptais et moins je me sentais humaine. »

    Au fil des jours, une certaine routine s’installe ; les goûteuses se surprennent à aimer la Griesnockerlsuppe  (image 1) aux petits gnocchis de semoule, l’Eintopf (soupe de légumes), sans porc ni veau, le Schnecke à la canelle (image 2) ou bien le Strudel (image 3) aux graines de pavot.

    La goûteuse d'HitlerLa goûteuse d'Hitler

    Des amitiés naissent, des rancœurs et des jalousies aussi, des complicités entre femmes embrigadées dans la même galère et puis la révélation de secrets que chacune cache.

    Car toutes ont un secret, même Rosa. Il s’appelle Albert Ziegler,  : « Ziegler ou un autre, ça aurait été pareil, voilà ce que je pensais. J’ai fait l’amour avec lui, parce que je ne l’avais pas fait depuis trop longtemps. » Tombée sous l’emprise de « l’Obersturmführer » de la tanière du loup, elle ne s’en remettra jamais.

    « Sans cordination, aveugles, nous guidant à l’odorat, nous trébuchâmes dans le corps de l’autre comme si chacun mesurait le sien pour la première fois.

    Après, aucun des deux ne stipula que personne ne devait savoir, mais chacun se comporta comme si nous avions passé un pacte. Nous étions mariés l’un et l’autre, même si désormais j’étais seule. Il était lieutenant ds SS : que se passerait-i si on découvrait qu’il avait une relation avec une goûteuse ? Peut-être rien. Peut-être était-ce interdit. »

    La goûteuse d'Hitler

    Ce roman historique a été inspiré de l’histoire de Margot WOLK ; j’ai beaucoup aimé ce livre où se mêlent amours, craintes, doutes, peurs, et interrogations. Ce récit permet un éclairage sur une Allemagne que l’on a trop souvent qualifiée de « nazie » alors que de nombreux allemands ont subi la violence d’un dictateur fou et à l’orgueil excessif. J’ai notamment appris qu’Hitler était « végétarien »…. Info ou intox ? Quoiqu’il en soit, la propagande était telle que le Führer se devait de montrer l’exemple auprès d’un peuple qui ne mangeait plus à sa faim….Et que penser de l’Obersturmführer Ziegler transis d’amour pour une goûteuse, mêlant violences et tendresse, rigueur et obéissance : je crois que l’auteure s’est accordée quelques petits arrangements avec l’Histoire. Mais ce n’est pas bien grave…..

    Pour ce prestigieux roman, la contemporaine italienne Rosella Postorino a été récompensé par le prix Camiello.

    Pour en savoir plus :

    Wolfsschanze ou la « Tanière du Loup » (Wikipedia)

    Les bouchées de la terreur – L’histoire de Margot Woelk, goûteuse d’Hitler

    "La Goûteuse d'Hitler" de Rosella Postorino, c'est "le point Godwin de la littérature" !

    Recette d’un Schnecke aux pépites de chocolat

    Recette de  l’Apfelstrudel

    Claus von Stauffenberg, ce comploteur qui voulait tuer Hitler (Geo)

    La gouteuse d’Hitler – Margot Woelk

    Les dernières heures d'Hitler | Archives inédites

    Le fil de l’histoire

    Margot Woelk, 95 ans, "goûteuse" de Hitler, raconte

    La goûteuse d'Hitler

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  • FilleQuatrième de couverture : « Laurence Barraqué grandit avec sa sœur dans les années 1960 à Rouen.
    "Vous avez des enfants? demande-t-on à son père. – Non, j’ai deux filles", répond-il.

    Naître garçon aurait sans doute facilité les choses. Un garçon, c’est toujours mieux qu’une garce. Puis Laurence devient mère dans les années 1990. Être une fille, avoir une fille : comment faire ? Que transmettre ?
    L’écriture de Camille Laurens atteint ici une maîtrise exceptionnelle qui restitue les mouvements intimes au sein des mutations sociales et met en lumière l’importance des mots dans la construction d’une vie

    Etre une fille ou une femme, comme dirait Gisèle Halimi, c’est une malédiction, et nous ne sommes pas en Tunisie – pays natal de l’avocate – mais bien en France !

    Ce livre pourrait être une banale histoire de femme désireuse de sortir de la condition dans laquelle sa famille veut l’enfermer, mais dès le début, on découvre l’univers de Laurence : un père médecin, patriarche et mandarin, une mère au foyer, soumise et effacée et une sœur aînée Claude, au prénom épicène, c’est-à-dire non genré, qui la traite aussi mal que le « paternel ». De l'enfance à sa condition de mère, elle décline tous les épisodes qui marquent l'évolution d'un destin ordinaire mais aussi du regard de la société sur le statut de la femme, en détaillant les conditions dictés par le langage : en somme, une existence de femme et autant d'étapes cruciales où chacune d’entre nous peut y retrouver des similitudes : déceptions amoureuses, agressions sexuelles, perte d'un enfant.Fille

    Camille LAURENS pointe du doigt des anomalies que l'on ne relèverait pas, tant l'habitude et les automatismes nous en cachent le sens profond : comme par exemple, le père va le matin à la mairie déclarer la naissance, la « née-sans ». L’auteure joue sans cesse avec les mots et les associations d’idées, parfois très surprenantes.

    On plonge dans l’univers d’un machiste, une société conservatrice où le devenir d’une jeune fille est d’être une bonne épouse, serviable, méritante, sachant bien tenir son foyer. On peut se demander comment Laurence pourra se construire dans ce cercle familial si « arriéré » où la règle d’or est de « laver son linge sale en famille »…..

    Les féministes seront révoltées à la lecture de ce livre, mais n’est-ce pas le but ? Réfléchir et s’insurger pour mieux avancer….

    Mesdames, avez-vous conscience que nous sommes un gros caillou dans la chaussure de certains messieurs…?!

    Pour en savoir plus :

    Lettres et caractères

    « Fille » de Camille Laurens : c’est quoi être une femme ?

    Camille Laurens, le poids de naître fille

    Fille

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  • Une farouche libertéQuatrième de couverture : « Soixante-dix ans de combats. Soixante-dix ans de passion et d’engagement au service de la justice et de la cause des femmes. Et toujours, la volonté de transmettre aux nouvelles générations le flambeau de la révolte. Parce que l’égalité entre homes et femmes est loin d’être acquise. Et parce que naître femme reste une malédiction dans la plupart des pays du monde.

    Avec son amie Annick Cojean, l’avocate la plus célèbre de France revient sur les épidodes marquants de son parcours rebelle. Son enfance en Tunisie dans une famille juive modeste ; son refus d'un destin assigné par son genre et son rêve de devenir avocate ; sa défense indéfectible des militants des indépendances tunisienne et algérienne soumis à la torture ; son association « Choisir la cause des femmes » ; et, bien sûr, ses grands combats pour l'avortement, la répression du viol, la parité.

    La dernière grande héroïne féministe aura vécu une vie de pionnière, insoumise et passionnée. D’une farouche liberté. »

    Gisèle Halimi, c’est une vie de combats, de passion et d'engagement au service de la justice et par dessus tout, de la cause des femmes. Et jusqu'à son dernier souffle, une volonté intacte de transmettre aux nouvelles générations le flambeau de la révolte.

    « L’injustice m’est physiquement intolérable. Je l’ai lancé un jour à la tête d’un magistrat qui a été choqué par ma véhémence.

    Mais c’était un cri du cœur, presque un cri de douleur. La rage que je ressentais remontait à très loin. Injustice de naître fille, injustice de naître pauvre, injustice d’un destin assigné par ma condition ».

    « Gisèle Halimi (1927-2020) est née en Tunisie d'une mère juive, Fortunée Metoudi ("heureux" enUne farouche liberté arabe) et d'un père d'origine berbère, Édouard Taïeb ("bienfaisant" en arabe). En 1949, elle épouse Paul Halimi, administrateur civil au ministère français de l’Agriculture. Avocate et militante elle fut à la pointe du combat féministe des années 1960 et 1970 qu'elle a souvent incarné avec une conviction profonde.

    Le nom de famille Halimi, 520 foyers en France (Ile-de-France, Provence, Rhône-Alpes), est originaire du Maghreb (Tunisie, Alger, Constantine). Son origine se situe dans un nom arabe qui signifie "doué de sagacité". Il se retrouve également sous les formes Alemy, Alimi, Allimi, Hlimi, etc. » (RFG)

    Éprise de littérature française et notamment de V. HUGO «  ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent ; ce sont ceux dont un dessein ferme emplit l’âme et le front... » elle côtoie Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, François Mitterand – plus tout à faire l’Homme de Gauche qu’il laissait entrevoir – Aragon et Elsa Triolet, Poirot-Delpech, Barbara, Piaf, Aimé Césaire, Guy Bedos et tant d’autres….. Elle était une écrivaine et une avocate, une femme, engagée. « Ne vous résignez jamais ! » ne cessera t-elle jamais de dire. Parce qu’au crépuscule de sa vie, elle attend que les femmes « fassent la révolution ».

    « Il faut une révolution des mœurs, des esprits, des mentalités. (…) Pendant longtemps la soi-disant incompétence des femmes a servi à justifier leur exclusion des lieux de pouvoir et de responsabilité. Forcément une femme instruite est réputée dangereuse, on s’arrangeait pour les priver d’instruction ou d’accès aux meilleures écoles. »

    Pour en savoir plus :

    Qui était Gisèle Halimi ? | Archive INA

    Portrait de Gisèle Halimi

    L’appel des 343 femmes

    #TBT : en 1977, le combat de Gisèle Halimi pour criminaliser le viol

    1989 : Gisèle Halimi s'oppose au voile islamiste | Archive INA

    Gisèle Halimi (Podcasts RadioFRance)

    Une farouche liberté

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  • Frère d'âmeQuatrième de couverture :

    « Un matin de la Grande Guerre, le capitaine Armand siffle l’attaque contre l’ennemi allemand. Les soldats s’élancent. Dans leurs rangs, Alfa Ndiaye et Mademba Diop, deux tirailleurs sénégalais parmi tous ceux qui se battent sous le drapeau français. Quelques mètres après avoir jailli de la tranchée, Mademba tombe, blessé à mort, sous les yeux d’Alfa, son ami d’enfance, son plus que frère. Alfa se retrouve seul dans la folie du grand massacre, sa raison s’enfuit. Lui, le paysan d’Afrique, va distribuer la mort sur cette terre sans nom. Détaché de tout, y compris de lui-même, il répand sa propre violence, sème l’effroi. Au point d’effrayer ses camarades. Son évacuation à l’Arrière est le prélude à une remémoration de son passé en Afrique, tout un monde à la fois perdu et ressuscité dont la convocation fait figure d’ultime et splendide résistance à la première boucherie de l’ère moderne ».

    Dans l’enfer des tranchées. Il y a Alfa, les Chocolats et les Toubabs, et puis Mademba, son ami d’enfance, « son presque frère ».

    Alfa et Mademba sont deux tirailleurs sénégalais partis loin de Gandiol, leur village natal. Et ils sont fiers…

    «  quand ils surgissent de la tranchée leur fusil dans la main gauche et le coupe-coupe dans la main droite, en se projetant hors du ventre de la terre, ils posent sur leur visage des yeux de fous. »

    Mais Mademba, « son plus que frère » tombe, éventré avec le «  dedans du corps dehors », qui n'en finit plus d'agoniser dans ses bras, les tripes à l’air, mais qui ne peut se résoudre à abréger ses terribles souffrances. Alfa ne s’en remettra jamais, hanté par la culpabilité de n'avoir pas su accompagner et aider « son plus que frère ».Frère d'âme

    Alfa se retrouve donc seul dans cette boucherie. La folie s’empare de lui et il s’autorise enfin à penser :

    « Depuis que j’ai décidé de penser par moi-même, je ne peux rien m’interdire en matière de pensée, j’ai compris que ce n’est pas l’ennemi d’en face aux yeux bleus qui a tué Mademba. C’est moi. »

    Ce roman dénonce l’horreur de la Guerre : mais qui est le plus fou ? Alfa le fou mutilant ou le coup de sifflet du capitaine Armand qui expédie ses soldats sous les obus ennemies ?

    Ce monologue – un cri dirai-je - oscille entre le dégoût et la poésie ; le style est surprenant, tantôt fait de phrases répétitives comme une oraison funèbre, tantôt sublime lorsqu’Alfa parle de son pays.

    Frère d'âmeCe livre fut pour moi l’occasion de faire des recherches sur les Sénégalais de cette terrible période, enrôlés de force pour la plupart dans une guerre qui ne les concernait pas.

    Pour en savoir plus :

    L'histoire des tirailleurs sénégalais

    Les tirailleurs sénégalais (Sénégal On Line)

    Wikipedia

    Le sacrifice des tirailleurs sénégalais sur le Chemin des Dames

    La France et les tirailleurs: une histoire mouvementée

    Les tirailleurs sénégalais dans la Grande Guerre et la codification d'un racisme ordinaire

    Liste des tirailleurs sénégalais décédés pendant la Deuxième Guerre Mondiale

    Frère d'âme

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  • La porte du voyage sans retour« La porte du voyage sans retour » est le surnom donné à l’île de Gorée, d’où sont partis des millions d’Africains au temps de la traite négrière.

    L’auteur David DIOP, né le 24 février 1966 à Paris, a passé une partie de sa jeunesse au Sénégal ; il est un enseignant-chercheur et écrivain français.

    Spécialiste de littérature du XVIIIe siècle, il est lauréat du prix Goncourt des lycéens en 2018 et du prix international Man-Booker en 2021 pour son roman Frère d'âme.

    1750, au Sénégal et plus précisément le long de la côte atlantique de Saint-Louis jusqu’à l’Ile de Gorée.

    Cette fiction est inspirée et centrée sur la personnalité du naturaliste Michel Adanson (1727-1806), et tout particulièrement sur un épisode de sa vie ; au décès de son père, Aglaé découvre un épisode extraordinaire de la vie du botaniste au Sénégal, dans des carnets cachés au fond d’un tiroir secret.

    Le talent de conteur de David DIOP nous embarque au pays des wolofs où le naturaliste voulait « rencontrer des plantes, mais a découvert des hommes » et leurs souffrances.

    Venu au Sénégal pour étudier la flore locale tout en caressant le rêve d’établir une encyclopédie universelle du vivant, il se laisse envoûter par le « fantôme » bien réel d'une jeune Africaine MaramLa porte du voyage sans retour ou les cahiers secrets de Michel Adanson promise à l'esclavage, pour finalement faire basculer cette quête amoureuse en une révolte contre le sort réservé aux Noirs.

    Le naturaliste est si subjugué par ce pays qu’il juge utile d'apprendre la langue wolof pour échanger avec les locaux : « la langue wolof, parlée par les Nègres du Sénégal, vaut bien la nôtre. Ils y entassent tous les trésors de leur humanité : la croyance dans l’hospitalité, la fraternité, leurs poésies, leur histoire, leur connaissance des plantes, leurs proverbes et leur philosophie du monde ».

    Les personnages sont ensorcelants : tant la belle Maram, guérisseuse africaine, incarnation d’une beauté exotique et victime des plus bas instincts masculins, que le jeune Ndiak, fidèle guide et compagnon d’Adanson. Mais que dire d’Estoupan de la Brüe, le Directeur générale de la Concession, pourvoyeur d’esclaves raflés lors du « moyal », cette razzia pratiquée par des guerriers mercenaires contre leurs frères noirs.

    La porte du voyage sans retour ou les cahiers secrets de Michel Adanson

    Il n’aura de cesse de découvrir la nature de l’homme blanc au travers d’un abolitionnisme acharné, réalisant que la supposée infériorité des « Nègres » n'est qu'un leurre pour légitimer leur traite.

    Sous le couvert d’une impossible histoire d’amour, au cœur d’un pays paré de fantastique, de folklore et de coutumes, ce livre est une « mise à nu » sans pudeur d’un père pour sa fille, qu’il a délaissé, obsédé d’écrire sa grande œuvre encyclopédique ; mais c’est surtout la terrible La porte du voyage sans retour ou les cahiers secrets de Michel Adansondénonciation de l’esclavage au Sénégal que l’auteur veut transmettre.

    A la manière d’un Candide moderne, David DIOP nous sensibilise à la traite négrière et incite au devoir de mémoire. D’ailleurs, le naturaliste Michel Adanson ne se relèvera jamais de cette découverte :

    « Si j’en avais eu le loisir et l’envie (…) j’aurai alors ajouté à mon petit exposé agricole que les milliers de Nègres que la Concession du Sénégal envoyait aux Amériques auraient été mieux employés à cultiver les terres arables d’Afrique (…). Mon idée était en effet incompatible avec la richesse d’un monde qui roulait sur la traite de millions de Nègres depuis plus d’un siècle. Il fallait donc que nous continuions à manger du sucre imprégné de leur sang. Les Nègres n’avaient pas tort qui croyaient (…) que nous les déportions aux Amériques pour les y dévorer comme du bétail. »

    Pour en savoir plus :

    Michel Adanson au Sénégal (1749-1754) : Un grand voyage naturaliste et anthropologique du Siècle des lumières (Cairn)

    Wikipedia : Michel Adanson

    France ArchivesLa porte du voyage sans retour ou les cahiers secrets de Michel Adanson

    Membres de l'Académie des sciences depuis sa création (Institut de France)

    Visiter l’île de Gorée au Sénégal

    L’ile de Gorée (Sénégal on Line)

    Zoom sur l’île de Gorée : escale avant l’Amérique

    Retrouver ses ancêtres au Sénégal (Geneanet)

    Les archives nationales d’Outre Mer (ONAM)

    Les populations d’Afrique Subsaharienne (Geneafinder)

    Généalogie dans les DROM-COM et anciennes colonies (Geneafinder)

    Sénégal Ile de Gorée Maison aux esclaves (Hors frontières)

    Film: "L' île de Gorée AFRICA, l'Histoire des esclaves sans retour."

    Institut du Tout-Monde

    La fabrication du Patrimoine : l’exemple de Gorée (Sénégal)

    La porte du voyage sans retour ou les cahiers secrets de Michel Adanson

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  • La guerre dans les tranchées, mais côté allemand....(cliquez sur l'image)

    "En 1917, durant la Première Guerre mondiale, le jeune Paul Bäumer s'engage volontairement dans ll'armée allemande. Tout comme ses amis Albert Kropp et Frantz Müller qui l'accompagnent, Paul est plein d'enthousiasme et de patriotisme. Quand ils arrivent sur le front de l'Ouest, près de La Malmaison, les jeunes Allemands vont découvrir l'horreur qui règne dans les tranchées.

    Paul va se lier d'amitié avec Stanislaus Katczinsky, un soldat plus âgé et expérimenté qui va lui transmettre des connaissances utiles pour survivre dans les tranchées". (Wikipedia)

    Pour en savoir plus :

    Analyse et critique

    Le livre

    A l'ouest rien de nouveau

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  • Un long silenceNous sommes au début du XXème siècle, dans l'Utah, dans l’ouest américain caractérisé par ses vastes étendues désertiques et les montagnes de la chaîne Wasatch et la capitale Salt Lake City, berceau de l Église mormone.

    *

    « Gary Gilmore est l’un des condamnés à mort les plus célèbres des États-Unis.
    Après avoir passé une partie de sa vie derrière les barreaux pour vols à main armée, il fut accusé de meurtre en juillet 1976, au moment même où la Cour Suprême, dix ans après la dernière exécution, venait d’autoriser à nouveau la peine capitale. En réclamant lui-même sa mise à mort, plutôt qu’une peine de prison à perpétuité Gilmore enflamma le débat dans tout le pays. Il sera finalement exécuté le 17 janvier 1977 au matin.
    Quelques années plus tard, Norman Mailer lui consacrera un de ses chefs d’oeuvre, Le Chant du bourreau. Le frère cadet de Gary, Mikal Gilmore, rédacteur en chef au Rolling Stone magazine, aura tenté pendant des années de mettre cette histoire tragique de côté. En vain.

    Avant qu’elle ne dévaste complètement son existence, comme elle a dévasté les siens, il s’est décidé à la mettre par écrit, pour essayer de mieux comprendre son héritage, dénouer les liens du sang et échapper à la malédiction familiale. Un long silence
    Poussé par l’urgence et un instinct de survie impérieux, il s’est ainsi lancé dans une véritable enquête, à la fois affective, douloureuse, sans concessions, sur sa propre famille, sur son enfance, sur ses origines, entreprenant ainsi un sombre voyage, au terme duquel il a découvert un terrible secret
     ».

    Né le dernier de la fratrie, l'auteur sera le préféré de son père et ne subira pas les violences que ses frères ont dû endurer. Ce livre est un récit autobiographique cru, sans langue de bois, intime et puissant. Il décrit les traumatismes de l’enfance et la résilience possible… ou pas.

    Quoiqu’il en soit, ce « document humain » ne m’a pas laissé insensible.

    Ce livre de 600 pages et plus, je n’ai pas pu le lâcher….. A chaque fin de page, je souhaitais connaître la suite de cette histoire, de cette terrible histoire, une histoire de la misère sociale, intellectuelle et matérielle.

    L’auteur Mikal Gilmore se pose des questions sur ce frère…. Et notamment « où et quand commence le meurtre? » Est-on prédestiné dès sa naissance, de par son éducation, son milieu socio-culturel, à sombrer dans les affres de la délinquance après des années d’enfermement et de violence. Où est la résilience ?

    Un long silenceIL décrit l’enfance mormone de sa mère Bessie devenue folle, sa rencontre avec son père Franck Harry – plus âgé de 24 ans, un escroc alcoolique et terriblement violent – qui a déjà été marié plusieurs fois, eu des enfants qu’il n’a pas reconnu. Et puis il y a Fay, la belle-mère….

    « Bessie aurait dû se dire : Oh ! Oh ! On dirait que j’ai atterri dans une famille avec plus de problèmes que celle que je viens de fuir. Mais elle ne s’est rien dit de tel. Bessie est restée, malgré les terribles secrets, et les perspectives effrayantes. Elle est même restée quand les cuites, les raclées et les disparitions ont commencé pour de bon.

    Elle avait ses raisons

    Et nous – les fils – sommes le fruit de cette décision. »

    Ce couple infernal engendrera quatre fils, : Franck Jr l’ainé, puis Gaylen, Gary et enfin lui, Mikal. Ses trois frères ne sortiront pas indemnes d’une famille bâtie sur de vieilles rancœurs et des mensonges.

    Un long silence

    Un long travail de mémoire a été nécessaire pour comprendre certains épisodes douloureux ; Mikal en vient à la seule explication entendable : « c’est une histoire de destruction » ; et il ajoute « Franck Gilmore et Bessie Brown étaient deux êtres pitoyables et misérables. Je les aime, mais je dois dire ceci : c’est une tragédie qu’ils aient eu des enfants ».

    A la dernière page, je me pose la question : comment se construire au sein d’une famille dont les liens familiaux sont animés par la brutalité, les coups, le désamour et des pulsions de mort ? Aucune voie n’est possible pour la résilience et Gary l’a fort bien compris en demandant son exécution immédiate : car selon la loi mormone, « ce n'est que lorsque le sang se répand sur la terre que les péchés sont expiés », sinon, la malédiction continue.

    Une très belle enquête familiale….

     *

    Pour en savoir plus :

    L’État de l’Utah (wikipedia)

    John Smith (Wikipedia)

    Fiche généalogique de Bessie, mère de Gary (Geneanet)

    Un long silence

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  • Histoire de femmes et de mères  16-18ème siècleQuatrième de couverture :

    « Leur vie est un témoignage de notre vie ». Au gré des archives se dévoile le destin des oubliées de l'Histoire : les femmes des campagnes françaises aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècle. Grâce à des documents originaux et inédits, découvrez leur véritable histoire à travers le récit de centaines d'anecdotes et faits divers qui les révèlent au quotidien dans leurs conditions matérielles, leur travail, leur famille, leurs liens sociaux, culturels, leurs relations aux hommes (séduction, amour, passion, violence, viols, meurtres...), à l'autorité, à la religion, à la justice, à leurs enfants...
    Les violences qu'elles subissaient avec courage et combativité sont le reflet de leur place dans la société d'Ancien Régime. Ces inconnues, par leur ténacité, ont forgé la femme d'aujourd'hui.

    *

    Frédéric FEVRIER, professeur d’Histoire-Géographie et généalogiste, a compulsé les archives et égrené des milliers de pages de registres paroissiaux pour retranscrire les histoires des femmes, des mères de nos familles ordinaires.

    La couverture du livre nous donne déjà un avant-goût de son contenu : des visages marqués, témoins d’un travail laborieux, des enfants aux mines tristes et sales attendant le bon vouloir du « vieux » - pardon du père ! - celui qui joue du flageolet, bien heureux et le ventre bien rempli (miche de pain, le verre de vin et l’assiette vide) et la femme au premier plan, usée, fatiguée, soumise, avachie…. (tableau de Louis LE NAIN 1851 - 1903)

    Pour le plaisir de ses lecteurs, l’auteur a respecté certaines écritures d’ancien français tout en rendant accessible leur lecture. Et pour une meilleure compréhension, il a également éclairé les chapitres de références et de textes de lois incontournables pour l’époque et bien utiles pour un généalogiste amateur comme moi.

    Il est question de femmes, bien sûr, mais aussi de leurs enfants :

    • Des déclarations de grossesse surprenantes, où le viol est le quotidien de beaucoup de femmes : « il la coucha sur l’escallier et la connut charnellement malgré tous les efforts qu’elle fit pour se déffendre »
    • Des femmes à l’honneur bafoué dans l’indifférence générale, des femmes répudiées et malmenées
    • Des femmes au caractère bien trempé mais que l’on a qualifié de sorcières pour mieux les museler
    • De véritables « sorcières » ou du bien qui le revendiquent ; mais ont-elles réellement le choix….
    • Des femmes assassinées : « un potage à l’arsenic pour se débarrasser de son épouse »

    Il n’était pas bon être une femme sous l’Ancien Régime….

    Outre les femmes, les enfants ont également la vie dure ; « malformation, accidents de grossesse, traumatisme des accouchements, coups de froid pris durant le baptême quand l’église n’est pas chauffée, coliques, diarrhées et fièvres, dysenterie, entérocolites… provoquent des hécatombes.

    Une autre cause de mortalité est l’étouffement dans le lit familial... »

    Et l’auteur de conclure : « Etre une femme au 18ème siècle est loin d’être une sinécure ».

    Merci à Frédéric FEVRIER pour ce merveilleux recueil mais également mille mercis aux curés de nos campagnes qui, méthodiquement et inlassablement, ont écrit dans les registres le quotidien de nos mères.

    *

    Pour en savoir plus :

    Vie au quotidien au XVII ème

    Être une femme au XVIIème siècle

    XVIIIème siècle : La femme entre nature et société

    Histoire de femmes et de mères  16-18ème siècle

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  • Ce roman régional est un très bel hommage que l’auteur rend à son grand-père, courageux, persévérant, aussi rude que les montagnes qui l’entourent, mais fier de ses racines et dont le « bleu des yeux ressemblait à celui d’un ciel délavé par la pluie ».

    Christian SIGNOL est originaire du Quercy ; cette histoire se passe donc dans le causse de Martel, département du Lot.

    L’auteur explique : « Pour la plupart des familles françaises, passées en trois générations de la paysannerie à l'université, le XXe siècle a été un formidable ascenseur social. L'histoire de ma famille maternelle est symbolique de cette évolution, et c'est pourquoi j'ai eu envie de la raconter. Ce que nous sommes aujourd'hui, nous le devons au travail acharné, aux sacrifices, à l'obstination de nos aïeux, de nos parents, qui ont lutté pour que leurs enfants, leurs petits enfants, un jour, vivent mieux. Leur vie sur une terre que souvent ils ne possédaient pas était rude, difficile : ils rêvaient des dimanches pour prendre enfin un peu de repos, leur seule récompense avec le pain de chaque jour. Nombreux seront ceux qui se reconnaîtront dans ces pages où s'exprime avant tout la gratitude que nous devons à ces hommes et ces femmes humbles et courageux. »

    *

    Né d’une mère célibataire, qui elle-même vivait dans une extrême précarité, Germain est confié de famille en famille jusqu’au jour où sa mère Eugénie décide de le garder auprès d’elle, estimantIls rêvaient des dimanches qu’elle possède assez d’argent pour s’occuper de « son petit ». Il n'a alors que sept ans. Mais le bonheur de vivre à deux ne dure pas bien longtemps ; malgré la misère et le dur labeur, la mère et le fils sont des « gens simples, pas habitués à se plaindre, mais seulement à courber le dos sous les orages, avant de trouver la force de se redresser. »

    Germain subira deux guerres, dont la Der des Der, la plus terrible parce que « coupable de revenir vivant alors que d’autres étaient morts ».

    Mais Germain est un battant, s’accrochant à une « éternelle obsession d’offrir à sa famille des conditions de vie moins précaires », se jurant de devenir son maître : « un jour, je serai patron ! ».

    Avec son épouse Germaine, ils n’auront qu’un seul objectif : « … qu’importaient la fatigue et les journées sans fin ? Pour lui comme pour elle, construire une vraie famille, se conduire en parents responsables, représentaient une revanche sur leur vie, ayant tous les deux souffert de l’absence d’un père ».

    Ils rêvaient des dimanchesTout dans ce livre résonne en moi….

    « …. j’ai entendu comme un murmure. J’ai eu l’impression – la conviction ? - qu’il provenait de l’arbre dont nous sommes issus, : celui de nos familles, dont les branches sont innombrables et dont les feuilles frissonnent au plus profond de nous. Autant de voix vers lesquelles il faut se pencher pour bien les entendre, leur accorder l’attention nécessaire à la perception d’un silence qui, en réalité, n’en est pas un et ne demande qu’à être écouté. Je sais aujourd’hui que ce murmure a le pouvoir de donner un sens à notre existence, de prolonger la vie de ceux auxquels nous devons la nôtre, car ils nous habitent intimement. »

    Ma famille « ordinaire » a pu elle aussi s’émanciper de cette condition paysanne, au prix de terribles sacrifices sans commune mesure avec ma vie d’aujourd’hui.

    Qu’ils soient tailleurs, journaliers, tanneurs, cultivateurs, mineurs de fond, couturières ou dentellières, tous mes ancêtres ont permis à leurs descendants de prendre l’ascenseur social et de sortir de leurs conditions de « serfs ». Respect pour ces aïeux qui montraient autant d’attachement aux valeurs de travail et d’engagement.Ils rêvaient des dimanches

    Christian SIGNOL nous parle d’un monde qui n’existe plus, « d’une époque, d’une génération témoin d’un siècle qui vit le monde changer plus vite que pendant les dix neuf siècles précédents ! »

    Que d’émotions à la lecture de ce roman…..

    *

    Pour en savoir plus :

    Le portail patrimoine du Lot

    L’architecture rurale en Quercy : l’habitat aux XVIIIe et XIXe siècles

    L’évolution de la maison individuelle sur les Causses du Quercy (à partir de la page 10)

    L'architecture rurale en Quercy

    Maisons paysannes de France : le Lot

    Généalogie dans le Cantal : les ressources généalogiques utiles (Geneafinder)

    Généalogie dans le Lot : les ressources généalogiques utiles (Geneafinder)

    Journaux des unités engagées dans la Première Guerre mondiale (Mémoires des Hommes)

    Ils rêvaient des dimanches

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  • Le journal d'une femme de chambreCe roman paraît pour la première fois dans le journal L'Écho de Paris en 1891 puis en volume en 1900. L’auteur Octave MIRBEAU (1848 – 1917) est un journaliste, écrivain, critique d’art, et un pamphlétaire redouté.

    Ce roman social, très audacieux pour l’époque, est une pure merveille ! Mais âmes sensibles s’abstenir car le langage y est cru, croustillant, vrai et sans langue de bois….

    *

    Ce récit est le journal d’une jeune domestique, Célestine ; elle y raconte son métier, les humiliations et les difficultés de sa vie. Et je peux vous dire que les événements ne manqueront pas pour colorier son quotidien avec une gouaille plutôt friponne.

    Déçue de ses précédentes expériences parisiennes - « 7 places en 4 mois et demi » - refusant toute soumission, Célestine espère acquérir son indépendance au Mesnil-Roy, en Normandie. La jeune femme au caractère bien trempé devra faire face à la cruauté sociale, à la brutalité masculine, à l’esclavagisme des « bourgeoises rapaces ». Elle sera même contrainte de subir « l’enfer du bureau de placements » où chaque domestique doit se soumettre aux « interrogatoires méchants et criminels » d’une « marchande de viande humaine » à la « dureté railleuse » et à la  « suspicion humiliante » et le tout avec « moult de dédain ».

    *

    « Aujourd’hui, 14 septembre, à trois heures de l’après-midi, par un temps doux, gris et pluvieux, je suis entrée dans ma nouvelle place. C’est la douzième en deux ans. Bien entendu, je ne parle pas des places que j’ai faites durant les années précédentes. Il me serait impossible de les compter. Ah ! je puis me vanter que j’en ai vu des intérieurs et des visages, et de sales âmes… Et ça n’est pas fini… À la façon, vraiment extraordinaire, vertigineuse, dont j’ai roulé, ici et là, successivement, de maisons en bureaux et de bureaux en maisons, du Bois de Boulogne à la Bastille, de l’Observatoire à Montmartre, des Ternes aux Gobelins, partout, sans pouvoir jamais me fixer nulle part, faut-il que les maîtres soient difficiles à servir maintenant !… C’est à ne pas croire. » (...)

    Le journal d'une femme de chambre

    « J’adore servir à table. C’est là qu’on surprend ses maîtres dans toute la saleté, dans toute la bassesse de leur nature intime. Prudents, d’abord, et se surveillant l’un l’autre, ils en arrivent, peu à peu, à se révéler, à s’étaler tels qu’ils sont, sans fard et sans voiles oubliant qu’il y a autour d’eux quelqu’un qui rôde et qui écoute et qui note leurs tares, leurs bosses morales, les plaies secrètes de leur existence, tout ce que peut contenir d’infamies et de rêves ignobles le cerveau respectable des honnêtes gens. Ramasser ces aveux, les classer, les étiqueter dans notre mémoire, en attendant de s’en faire une arme terrible, au jour des comptes à rendre, c’est une des grandes et fortes joies du métier, et c’est la revanche la plus précieuse de nos humiliations...

    De ce premier contact avec mes nouveaux maîtres je n’ai pu recueillir des indications précises et formelles... Mais j’ai senti que le ménage ne va pas, que Monsieur n’est rien dans la maison, que c’est Madame qui est tout, que Monsieur tremble devant Madame, comme un petit enfant... Ah ! il ne doit pas rire tous les jours, le pauvre homme... Sûrement, il en voit, en entend, en subit de toutes les sortes... J’imagine que j’aurai, parfois, du bon temps à être là... »

    *

    Si quelquefois Célestine paraît vulnérable et acculée, elle n’en demeure pas moins insolente Le journal d'une femme de chambrelorsqu’il s’agit de sa dignité ; elle est déterminée à sortir de sa condition. Elle sait hurler « toute la franchise qui est en elle et quand il le faut, toute la brutalité qui est dans la vie ».

    Et puis, il y a Joseph, un personnage dur et sadique, dont elle s’est éperdument amourachée. Parce que Célestine est aussi une « coquine » Son « Joseph » elle finira d’ailleurs par l’épouser et devenir elle-même un peu « maîtresse ». Il faut dire qu’elle était à bonne école. Et comme elle aime à le déclarer « le monde est joliment mal fichu ».

    Ce roman social traite de la condition féminine mais aussi de la condition salariale ; Octave MIRBEAU parle de la bassesse des riches, mais aussi des pauvres qui s’échinent à leur ressembler ; toute la société en prend pour son grade : la bourgeoisie parisienne et ses travers, les provinciales et leurs mœurs d’un autre temps.

    Ce livre est une satyre encore très moderne, qui nous plonge dans un contexte économique, social et politique incroyablement concret.

    Je dira que « le journal d’une femme de chambre » n’a pas pris une ride…. Hélas.Le journal d'une femme de chambre

    *

    Pour en savoir plus :

    Octave MIRBEAU (Wikipedia)

    Octave MIRBEAU le feuilletoniste (BnF)

    Octave MIRBEAU (BnF)

    Le journal d’une femme de chambre (Wikipedia)

    Le journal d’une femme de chambre (le texte sur BnF)

    Le Journal d'une femme de chambre - Octave Mirbeau (Chap1 à 9) - YouTube

    Le Journal d’une femme de chambre – Octave Mirbeau (Chap 10 à 17) – YouTube

    Journal d'une femme de chambre – bande-annonce (2015)

    Le Journal d'une femme de chambre (1900)

    Le journal d'une femme de chambre

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  • Où passe l'aiguilleA 14 ans, Tomas dit « Tomi » est « un fugueur, un malin, un coquin, une canaille ». Il vole, ment, déserte et se décrit lui-même comme le « roi des scélérats ». Du haut de son arbre préféré, il rêve de filles, d'avenir et de gloire.

    Nous sommes en Hongrie, à Beregszasz, en 1944. A l’heure où les allemands répriment et bafouent tous les droits humains, il ne fait pas bon d’être un adolescent têtu et rebelle, et encore moins un jeune juif.

    Tailleur de père en fils, la famille KISS ne voit pas d’autre avenir pour Tomi que de suivre les traces de ses pairs. Mais Tomi résiste et ne le voit pas de cet œil ; il veut devenir plombier ! IL déteste la couture autant qu’il déteste son père….

    « On dit filer la laine, l’affaire a l’air toute mignonne-facile, en réalité c’est la guerre : pour sortir un fil correct il faut battre la laine la tremper l’étirer la tordre, du sauvage, je te dis. D’ailleurs, il en reste toujours quelque chose : quand tu t’apprêtes à passer cette saleté de fil dans le chas il gigote encore. Tu as beau tenir l’aiguille et viser sans trembler, il faut toujours qu’il s’échappe, alors quand il s’agit de le coudre droit… Franchement ce n’est pas de la mauvaise volonté de ma part, on ne peut pas consacrer sa vie à un truc aussi retors ».

    Son père, il en a honte… Honte de cet homme qui lui a menti, honte de cet homme qui baisse la tête devant l’ennemi, cet homme qui est la fierté de tous tant il manie l’aiguille avec aisance….

    Cet homme qui se veut toujours rassurant, même lorsque toute la famille est déportée et séparée. Parce qu’Hermann KISS trouve son salut dans la couture….

    Où passe l'aiguille : le destin extraordinaire de Tomi

    Au camp de Dora-Mittelbau, Tomi va être confronté aux pires horreurs, à l’innomable ; ses certitudes vont s’effondrer comme un château de cartes ; ils sont tous devenus « des cafards de la création », et il va enfin voir son père tel qu’il est : un maître tailleur habile de ses doigts et respecté de tous, même dans les camps de la mort.

    « Si on avait dit à mon paternel qu’un jour il habillerait le IIIème Reich , gratuitement en plus, il ne l’aurait jamais cru et pourtant le fait est : le gratin SS de Dora, obligée de vivre au tréfonds de la montagneuse province où notre camp est planqué mais bien décidé à ne pas renoncer aux plaisirs civilisés qui s’offrent à eux dans les bourgades alentour, a besoin de costumes soyeux et de gants brodés pour se rendre aux bals, aux dîners, aux premières, et c’est mon père, entre autres esclaves, qui s’y colle. »

    Petit à petit, Tomi va changer ; il va comprendre que son salut ne tient qu’à « l’aiguille » et que son père résiste, dans l’ombre : il trafique quelques vols de tissus contre un morceau de pain, pour survivre, et au péril de sa vie. Alors Tomi va tout faire pour intégrer l’atelier de couture, et sauver sa peau....

    « Toute la journée je les regarde faire, les tailleurs, découper, rapiécer, épingler, ils vont vite, ils maîtrisent le fil et il est beau, leur geste, c’est le geste le plus beau de la journée, le plus propre de tout le Lager. Ici, manger est sale, on lape. Sie fressen, disent les Allemands, comme pour les animaux. Terrasser est sale aussi, pousser des wagonnets pleins de boue ça pue, ça colle, ça tache, ça fait suer, mais coudre à la main c’est impeccable. En plus, ça n’a pas l’air sorcier : l’aiguille par-dessus par-dessous et rebelote. Je saurai le faire, je le sens ».

    Après le camp de Dora, c’est évacuation sur Bergen-Belsen, en Allemagne ; les alliés avancent et les nazis ont bien compris qu’ils avaient perdu la guerre….

    Pour Tomi, c’est une nouvelle existence qui commence, bien loin de son insouciante adolescence.

    « Je m’appelle Tomas . Tomas Kiss. J’ai 16 ans. Je n’ai plus de famille mais dix-huit œufs, une veste d’homme, un vrai couteau et quatre certitudes : je n’aurai plus jamais peur. Je n’aurai plus jamais faim. Je n’aurai plus jamais de poux. Plus jamais je ne serai un sale petit juif. »Où passe l'aiguille : le destin extraordinaire de Tomi

    Des confins de l’Europe centrale jusqu’au sommet de la mode française, Tomas Kiss n’aura de cesse d’avancer et de rester fidèle à ses convictions, acquises au cours de son périple dans l’univers concentrationnaire.

    Encore un livre sur la déportation, me direz-vous, mais pas que ! Ce roman est une histoire vraie, une belle leçon de vie et de courage. De ce récit émane une véritable force de vivre, de vaincre, de réussir. IL affirme des valeurs de travail et d’honneur, d’entraide et d’amitié indéfectible. Il parle aussi des relatifs père-fils…..

    « La couture. Il lui est resté la couture, Tomi. Celle que son père lui avait apprise et avant lui son grand-père, et le père de son grand-père, la couture qui t’habille et qui te nourrit, celle qui te permet d’être quelqu’un, un homme et pas une bête, depuis toujours, depuis le premier type dans la première caverne, Tomi, la couture ! Celle qui te sauve à n’importe quel coin de la planète, même le plus crasseux des trous noirs du monde, celle qui t’aide à tout oublier et à renaître, oui à renaître.

    Mon père glisse son dé au creux de ma main.

    Ici, on n’a plus rien, Tomi, tu as raison. Ta chance, ta fortune, ton avenir, ta patrie, ta famille, tout est entre tes mains, mon fils, tout est là maintenant, seulement là et nulle part ailleurs. »

    Où passe l'aiguille : le destin extraordinaire de TomiAlors, oui, encore un livre sur la guerre, mais surtout un livre qui impose le respect, la retenue, un livre écrit avec sérieux et décence, un livre qui m’a aidée à comprendre le silence qui hurle au fond de chaque victime, des souffrances que l’on ne peut décrire tant l’innommable est bien réel et brutal.

    Ce roman est un livre douloureux mais vivant, un formidable témoignage, où se mêlent humour et révolte, un livre cru et sans langue de bois.

    Et puis si ce livre parle de l’horreur, il s’ouvre aussi sur Paris, Paris et les « filles », ah les filles, les loisirs et des projets pleins la tête ! « La France – ce pays sans pogrom que les femmes traversent sur des talons hauts ». Car Tomi va pouvoir se reconstruire dans la couture pour les femmes : « la mode des femmes est inconstante, c’est même sa qualité première. Elle rugit, elle emporte tout sur son passage puis elle disparaît pour rejaillir l’année suivante, différente, irrésistible, c’est une cascade la mode et tu es emporté avec elle, à chaque saison tu renais, il fait bon se plonger là-dedans quand on a beaucoup à oublier. »

    Ce livre est le récit de la vie de Tomas Kiss… les dernières pages sont tellement belles...Pleines de poésie, elles appellent à la réflexion. Toute sa vie, Tomi a voulu échapper à ses fantômes, mais « nos fantomes sont à jamais décousus et leur absence une plaie qui ne se suture pas, même avec des mains d’or. »Où passe l'aiguille : le destin extraordinaire de Tomi

    Il sait que l’inimaginable finit par exister… à force de travail et de croyances.

    « La vérité : quand je couds, je n’ai pas de vision. Je ne vois pas le camp, les punitions, l’appel ou pire. Je me concentre, l’aiguille passe et repasse, chaque geste mille fois répété et doucement je deviens le fil, je deviens l’aiguille, je suis le tissu piqué et l’air que je respire, le rythme de la machine et le bruit de l’atelier. Lorsque je travaille, comme quand je danse, je l’oublie. Alors je me lève me lève à cinq heures, j’attrape le premier métro et jusqu’au soir j’assemble des chemisiers affriolants, des corsages à pompons, des jupettes fleuries. En plus tout est payé à la pièce : plus on travaille plus on gagne mieux on vit, c’est magique, c’est merveilleux, c’est automatique, rien ne peut empêcher ça en France. »

    Pour en savoir plus :

    L'interdiction de Chaatnez 

    La Bat/Bar-Mitsva (Judaisme en mouvement)

    Le camp de Dora-Mittelbau (Territoires de la Mémoire)

    Entre thérapie et tabou, le tortueux rapport des juifs hongrois à leur généalogie

    L’holocauste en Hongrie (site Degob.org)

    TEMOIGNAGE. Les 9.000 vies du camp nazi de Dora (France3 – Grand Est)

    Véronique Mougin rompt le silence du déporté #55789 dans son nouveau roman

    Mittelbau-Dora : l'histoire du camp

    [DOCUMENTAIRE] Les 9000 vies du camp nazi de Mittelbau-Dora

    Mittelbau Dora : photos et videos

    Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation (AFMD)

    Encyclopédie multimédia de la Shoah

    Camps de concentration nazis (Wikipedia)

    Les marches de la mort

    Où passe l'aiguille : le destin extraordinaire de Tomi

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  • La chair des étoiles1917, La Viletelle, un petit village creusois.

    Anna, vingt ans, est mariée depuis trois ans à Pierre. Lors d’une courte permission de son mari, Anna prend conscience de l’inconnu qu’il est devenu . D’un époux aimant et attentif, Pierre est devenu un homme dur, violent, aux gestes blessants.

    Entre une belle-mère acariâtre et le frère cadet de Pierre, Anne se sent étriquée dans sa « petite vie de paysanne ». Et ce n’est pas Berthe, l’institutrice révoquée qui lui dira le contraire ! Peut-être lui ouvre t-elle les yeux sur des questions qui dérangent et ne fassent voler en éclats toutes ses illusions. Quoiqu’il en soit Anna prend la décision de quitter sa Creuse natale pour la grande ville de Saint Etienne.

    Elle entre dans une usine d’armement comme munitionnette : du fait de son éloignement du front, Saint-Étienne devient l’Arsenal de la France ; Anna y travaille de jour, de nuit, jusqu’à en oublier Pierre, jusqu’à en devenir folle et vouloir en finir….

    La chair des étoiles

    Et puis Simon, un juif rescapé d'un camp de prisonniers en Allemagne, la sauve du suicide ; c’est le coup de foudre... Anna ose alors  espérer que sa vie va devenir merveilleuse, illuminée par ce grand amour… mais l’ombre de Pierre resurgit…. Pierre qui a fait entrer l’horreur dans leur intimité, la laissant seule face à une désespérante interrogation. « Je leur ai donné un agneau, ils m'ont rendu un loup. » Comment est-ce possible ? Qu’a-t-il bien pu subir sur le front ?

    La chair des étoilesAvec Simon, l’amour est différent. Anna vient à en oublier que le corps des femmes appartient à la Nation ; la société n’accepte pas cet adultère, tandis qu’un soldat, son Pierre, héros décoré de la croix de guerre se bat encore dans les tranchées.

    La société l’a déjà condamnée… La haine se déchaîne contre elle : en trompant son époux, Anna trompe tous les soldats. Elle est condamnée pour adultère et est emprisonnée pour plusieurs mois. Elle y retrouvera d’ailleurs ses amies syndicalistes. IL ne fait pas bon d’être ouvrier et de surcroît une femme, par ses temps troublés.

    L’humiliation, Anna connaît bien : avec sa belle-mère, sa dernière nuit avec Pierre, la prison et maintenant la rue….

    Elle a tout perdu, elle est épuisée et à moitié morte de faim lorsque surgit le beau militaire américain William Allenby : « Je veux vous aider à vous relever, Anna. Pour vous, mais aussi pour le principe. Au nom d’une certaine idée de l’homme. De sa liberté. Je veux confondre les imbéciles qui se sont acharnés à votre perte. (…) Rappeler à tous ces lâches que notre cœur nous appartient ainsi que notre corps. »

    Cette descente aux enfers est pour Anna le début d'une reconstruction. Comprendra t-elle un jour « qui a rendu Pierre méconnaissable. Qui a fait d’un mari paisible un loup blessé revenant au pays » ?La chair des étoiles

    Anna est à la quête de son identité : « chercher dans la manière qu’on a eu de m’aimer ou de me haïr les signes dispersés de mon identité ».

    La guerre n’est toujours pas terminée et elle s’engage en donnant de son temps au CARD, le comité américain pour les régions dévastées. « Bergère des ruines », seule avec son chien Bull, au milieu du néant, elle apprend à se connaître…. Maintenant qu’elle a tout perdu, elle se sent libre.

    La vie ne l’aura pas épargné mais elle aura peut-être appris une chose : « tous les amours se ressemblent. A vif. Taillés dans la chair des étoiles. » Ah, j’oubliais, elle sait ,maintenant, que les hommes pleurent aussi….

    Avec sensibilité, l’auteur Jean-Guy Soumy dresse le portrait d'une jeune femme aux prises avec la Grande Guerre et tous les grands bouleversements qui en découlent  ; Anna témoigne du vécu des femmes de son époque : nous savons tous que les femmes sont massivement entrées à l’usine, qu’elles ont labouré les champs, maintenu les boutiques ouvertes en l’absence des hommes, que leur vie n’a pas été facile, que le quotidien était douloureux, avec des souffrances banales, des difficultés peu glorieuses, mais passées sous silence

    Anna témoigne pour ceux et celles dont les noms ont été gommées par l'Histoire ; c’est un extraordinaire roman sur la condition féminine au début du XXème siècle, richement documenté.

    *

    Pour en savoir plus :

    1914-1918 – Les ouvriers du bassin stéphanois pendant la Grande Guerre (GREMOS - Groupe de Recherches et d’Études sur les Mémoires du Monde Ouvrier Stéphanois)

    L’industrie d’armement à Saint Etienne (Images Défense)

    Les traboules stéphanoises (France Info3)

    Autour du Panassa à Saint Etienne (Geneanet)

    Témoignages allemands du 16 avril 1917 (Des lieux d’histoire dans l’Aisne : Chemin des Dames)

    Abécédaire de la Grande Guerre (les brassards rouges)

    Affaire, amour, affection : le mariage dans la société bourgeoise au XIXe siècle (Persée)

    Le fonds du CARD de la bibliothèque de Soissons dévoilé par le CCFr et Gallica (BNF)

    Le Fonds Anne MORGAN ( le CARD)

    La chair des étoiles

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  • Mauvais genreLouise Landy est née le 10 mars 1892 et Paul Grappe le 30 août 1891

    Elle a obtenu son certificat d’études à 13 ans et lui à 15. Ils n’ont ni l’un ni l’autre de « signes connus de déséquilibre mental », comme on disait à l’époque, mais une simple plainte pour exhibitionnisme à l’encontre de Paul, plainte qui n’a d’ailleurs pas abouti.

    Louise et Paul s’aiment éperdument, fougueusement... mais la Grande Guerre va les séparer.

    Paul ne supporte pas les horreurs de cette terrible guerre de tranchées et s’évade pour retrouver Louise, à Paris.

    Logé dans un hôtel minable avec la seule paie de couturière de Louise, Paul tourne en rond. Louise est épuisée de ses journées de travail et Paul s’ennuie, s’alcoolise et les cauchemars refont surface.

    Pour fuir la folie entre quatre murs, et surtout échapper à la peine mort réservée aux déserteurs, Paul se travestit et avec la complicité de sa femme, devient Suzanne. Durant dix ans…..

    Durant dix longues années, Paul va pousser la dissimulation et le changement d’identité au-delà des genres, s'adonnant avec une certaine délectation (pour ne pas dire une délectation certaine !) aux plaisirs de la nuit.... A tous les plaisirs..... Paul se prend au jeu et se perd dans le personnage qu’il a créé et qu’il se prend à aimer.Mauvais genre

    Louise, fidèle, soumise, le suit pour ne pas le perdre…. Jusqu'à commettre l'irréparable...

    Ce livre n’est pas une BD mais un roman graphique ; il est une illustration de la très mince frontière qui sépare l’amour de la haine ; certains sentiments sont si exacerbés qu’ils peuvent faire basculer dans la perdition et l’abomination de l’Autre.

    J’ai savouré chaque page de ce livre aux dessins gracieux et au trait juste. Le récit est bouleversant, quelquefois cru mais sans jamais tomber ni dans le voyeurisme, ni dans le sordide malgré des situations grivoises et glauques. Les personnages sont attachants dans leurs faiblesses, dans leurs contradictions, parfois touchantes, parfois détestables…. Mais vous avez bien compris : j’ai adoré ce livre qui traite de thèmes aussi complexes que sont la guerre et ses traumatismes, la désertion et le patriotisme, la violence conjugale, l’alcoolisme, mais aussi la quête de soi et sa propre identité.

    Mauvais genreL’auteure, Chloé CRUCHAUDET s’est inspirée de l’incroyable histoire du couple Grappe, de Louise et Paul qui se sont aimés et déchirés dans le Paris des Années folles. Pour cette œuvre, l’illustratrice a reçu le prix d’Angoulême 2014

    Pour en savoir plus :

    Bande dessinée et roman graphique : quelles sont les différences ?

    Angoulême 2014, Chloé Cruchaudet

    Mauvais genre - Chloé Cruchaudet

    La garçonne et l’assassin (Centre d'histoire sociale des mondes contemporains)

    Une grave affaire de désertion

    L’affaire Louise Landy : le drame conjugal qui a marqué les années 1920

    La garçonne et l'assassin. Histoire de Louise et Paul, déserteur et travesti...

    La confusion des sexes : l’assassinat de madame Suzanne, déserteur de la Grande Guerre (OpenEditions Book)

    Nous n’irons plus au bois (France Culture)

    Mauvais genre

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  • Un bouquet de dentelleDébut du XXème siècle, dans un petit village aux alentours de Cambrai.

    L’auteur Mari-Paule Armand, conteuse d’antan, nous entraîne au pays de la dentelle….

    Trop tôt orpheline comme de nombreuses petites filles de son âge, Emmeline est confiée aux sœurs d’une paroisse où elle apprend à coudre, à ourler, à roulotter… Le destin de l’enfant devenu femme semble tout tracé, dans un univers où elle apprend tous les secrets du lin, du drap et du tulle.

    « La toile de lin, connue sous le nom de toile de Cambrai, servait à fabriquer du linge de maison, des serviettes, des nappes, des draps – que nous appelions des lincheux. Certaines toiles, plus fines – batistes et linons – étaient destinées aux mouchoirs, à la lingerie, la chemiserie, ou aux tissus d’été. »

    A sa majorité, Emmeline peut enfin envisager la liberté ; elle est déjà une femme docile, soumise et vit un amour idyllique avec Gery. Mais la réalité des classes sociales la rattrape et sa vie bascule le jour où son amour disparaît dans un accident. Le couple n’était pas marié….

    Emmeline prend alors conscience de la précarité de sa situation de fille-mère, au sein d’une société faite par les hommes et pour les hommes : la dure condition d’une jeune femme roulotteuse prête à tous les sacrifices pour ne pas chavirer dans la misère….Un bouquet de dentelle

    Ce livre est un roman émouvant de l'histoire du Nord de la France et d'un peuple que rien n’a épargné. La région tout entière, de la plus humble ouvrière à l'industriel le plus opulent, vit du tissage et du textile.

    Un livre très facile à lire mais que je n’ai plus lâché, soucieuse de connaître la fin de l’histoire, une histoire qui aurait pu être celle d’une de mes ancêtres.

    IL est très souvent raconté le quotidien des mineurs de fond, des puisatiers, des maçons et des cultivateurs, mais les femmes, leurs épouses, leurs mères, leurs soeurs ? Que dit-on de leur vie de tous les jours, de leurs souffrances au travail, de leurs mains usées aux doigts noueux et tordus, de leurs épaules endolories qu’elles ne peuvent plus se redresser, de la lumière de leurs yeux qui s’éteint irrémédiablement chaque jour ? Ah, excusez-moi, l’homme va rentrer, et il doit manger...et repartir demain avec des vêtements propres….

    Un bouquet de dentelleUn bouquet de dentelle

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pour en savoir plus :

    Le patrimoine disparu du Nord de la France (Cambrai)

    Un savoir-faire : le roulottageUn bouquet de dentelle

    La technique du roulottage

    La confiserie Afchain

    Afchain, ou les Bêtises de Cambrai sous toutes leurs formes

    Les maîtres-confiseurs à Cambrai

    L’origine de Caudry

    Caudry : du lin à la dentelle

    Caudry : au pays de mes ancêtres

    Le patrimoine disparu du Nord de la France (Caudry)

    Les petits mouchoirs roulottés à la main

    Le nord en dentelle (E-book)

    Les dentelles

    Un bouquet de dentelle

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  • Jacques, l'enfant cachéEmmanuelle Friedmann a voulu témoigner sur ce que son père a vécu enfant, un enfant innocent et victime de la folie meurtrière des nazis ; dans ce roman historique, l’auteur n’a ménagé ni l’émotion ni la gravité de l’Histoire.

    Paris 1943. Le petit Jacques, 7 ans, est seul à la maison lorsque les nazis frappent à la porte pour arrêter sa maman, encore au travail. Ils ont dit qu’ils repasseront le soir…. Alors Jacques attend Bilma à la sortie du métro pour la prévenir ; il a bien compris, malgré son jeune âge, que leur vie est en danger ; ils doivent fuir.

    En 1941, Jacques avait déjà perdu son père, héros de la résistance, fusillé par les Allemands. Alors il n’est pas prêt à perdre sa mère….

    « Jacques avait dû apprendre à vivre avec cette peur terrible de voir les gens qui l’entouraient disparaître . Mais tant qu’il était près de sa mère, il avait du courage. Il était persuadé qu’il ne pourrait pas survivre sans elle. Dans son esprit, la perdre signifiait mourir ».

    Pour éviter des hébergements successifs et précaires, la maman de Jacques confie son enfant aux bons soins du pasteur Jousselin. Ainsi rassurée de mettre son enfant à l’abri, Blima pouvaitJacques, l'enfant caché travailler : « ces quelques heures travaillées étaient l’occasion d’oublier un instant la guerre ».

    Jean Jousselin est un pasteur protestant, adepte du Baden-Powell, le scoutisme dont la devise «Toujours prête » emprunte les initiales du Fondateur (dans le texte britannique "Be Prepared") et pratique des objectifs éducatifs. Mais le scoutisme de Jean Jousselin applique essentiellement l’hébertisme, cette doctrine qui permet « aux enfants de développer au mieux leur corps en s’appuyant sur dix thèmes principaux : la marche, la course, le saut, le grimper, le lever, la quadrupédie, le lancer, l’équilibre, la défense, la natation. »

    Jean Jousselin était intimement persuadé que « cette guerre était atroce et la doctrine nazie, un fléau pour l’humanité. Résister à l’occupant était une nécessité absolue si l’on voulait respecter son prochain. Il pensait que les Français en prendraient conscience progressivement et qu’ils apporteraient leur pierre à l’édifice de la solidarité. »

    Quoiqu’il en soit, tout en continuant son activité de directeur à la Maison Verte dans Paris, le pasteur Jousselin créé un centre de vacances au château de Cappy, à Verberie, dans l'Oise, où de nombreux enfants juifs attendent des jours meilleurs.

    Dès son arrivée à Cappy, le petit Jacques ne pensait qu’à s’enfuir…Mais l’enfance reprend ses droits ; et pourtant, il n’oublie pas….

    « Et lorsqu’il serait assez grand, il se battrait, comme les résistants, comme son père, contre l’obscurantisme et l’injustice, contre les bourreaux, d’où qu’ils viennent.

    Jacques, l'enfant cachéAvec le temps, Jacques découvrait que la peur n’empêchait pas le courage. Il aurait été stupide de nier qu’il avait tout le temps peur, mais jusqu’à maintenant, cela ne l’avait pas empêché d’agir et de se montrer brave quand il le fallait. Dès qu’il sentait une menace, il savait d’instinct ce qu’il avait à faire ».

    Un livre émouvant qui m’a rappelé le triste épisode où mon père s’est retrouvé face à la police de Vichy, un soir que ma grand-mère travaillait tard. Mon grand-père s’était enfui d’un camp et était recherché. Il était caché quelques maisons plus haut… Mon père avait alors 13 ans et il n’a rien dit. 

    Pour en savoir plus :

    Jean Jousselin (AJPN) et Paris en 1939-1945

    Le Maitron

    L’épopée de Cappy sous l’occupation de 1943 à 1944

    Musée de la Résistance

    Robert Baden-Powell (Wikipedia)

    La nature comme guide

    La Maison Verte durant la Seconde Guerre mondiale (AJPN)

    Le château de Cappy (histoire du scoutisme)

    Des Juifs d’Afrique du Nord au Pletzl ? Une présence méconnue et des épreuves oubliées (1920-1945) 1ère partie et 2de partie

    Etoile jaune : le silence du Consistoire central

    Résistance de sauvetage et Protestants dans l’Oise

    Jacques, l'enfant caché

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  • Le jardin secret de VioletteCe roman « régional » évoque la mémoire des nourrices morvandelles, très prisées dans la capitale à la fin du XIXesiècle.

    Nous sommes en 1885, à Lormes, petite commune de la Niève dans la région du Morvan. Le couple Vital attend son premier enfant ; Bertin est galvacher et part plusieurs mois sur les routes avec ses bœufs ; Violette se retrouve souvent seule dans leur masure, pauvre et dénuée de tout confort, mais où la jeune femme cultive un bonheur simple ou du moins sait s’en contenter.

    Mais Bertin se lasse de cette vie itinérante, harassante ; il a une idée en tête : que son épouse aille en « nourriture » chez des bourgeois à Paris. Les nourrices morvandelles ont fières réputations ; elles sont « choyées » durant plus d’une année et s’en reviennent au pays avec un petit pécule qui améliore les conditions de vie de leur famille. Au prix d’un lourd sacrifice toutefois : se séparer de leur tout-petit……

    A 19 ans et pour l’amour de Bertin, Violette part dans la demeure parisienne des Brissac, loin de sa famille, loin de sa petite Alexine. Et quel terrible secret cache la chambre du fond ? Qui est Colombe, la nièce « différente » de madame Brissac ?La vie de VioletteLe jardin secret de Violette va être totalement chamboulée et d’autant plus lorsqu’elle rencontre le docteur Zacharie Mayer. Simple aventure ou grand amour ? Doit-elle revenir dans son Morvan natal cher à son cœur, ou bien rester sur Paris, ville de plaisirs et de culture ?
    A travers l’histoire de Violette, l’auteur Lyliane MOSCA revisite ce fait historique qu’est le déracinement des nounous morvandelles ; le récit oppose deux milieux sociaux :

    • celui des morvandiaux, rustre, précaire, impitoyable, aux maisons froides qui laissent passer les vents des hivers rigoureux ; un Morvan aux paysages verts, une «  région sauvage, repliée sur elle-même », aux coutumes tenaces mais bien ancrées dans la terre qui les porte, la vie au village avec ses potins et ses langues de vipères, mais aussi le souci du quotidien, faire bouillir la marmite comme on dit, tandis que l’homme est au bistrot….
    • celui des bourgeois parisiens, aux demeures chichement aménagées et accueillantes, aux pièces démesurées et raffinées, débordantes de luxe, aux bibliothèques bien fournies, à la vie apparemment sans souci, et pourtant, il existe tant de secrets….

    Le jardin secret de VioletteMalgré la droiture et la loyauté dont fait preuve la jeune nourrice, le retour au pays sera plus compliqué qu’il n’y paraîtra…. Tourments, épreuves et humiliations, il faudra pourtant que Violette y survive.

    Pour en savoir plus :

    Lormes

    Lormes, balade historique….

    Au pays de mes ancêtres

    Le galvacher morvandiau

    Les nourrices morvandelles

    La galvache

    Tirachiens et galvachers

    Un Morvan très nourrissant (Libération)

    N comme nourrice morvandelle

    Le jardin secret de Violette

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  • L'art héraldique au Moyen AgeCe très beau livre présente plus de 120 chefs-d'œuvre héraldiques, sur différents supports : boucliers tapisseries, sculptures, peintures, émaux, etc.… ce qui m’a permis de saisir la portée esthétique d'un art totalement méconnu.

    En France moderne, le mot « blason » n’est pas l’exact synonyme du mot héraldique. Ce dernier qualifie la science qui a pour objet l’étude des armoiries. Le terme « blason » a un sens plus limité ; il désigne l’ensemble des figures, des couleurs et des règles qui composent les armoiries.

    Contrairement aux idées reçues, tout le monde peut posséder des armoiries. Mais depuis la Révolution Française, les rumeurs se sont accordées à croire qu’elles étaient des marques de noblesse.

    « Nulle part en Europe occidentale (…) entre le XIIème et le XVIIIème siècle, l’usage des armoiries n’a été réservé par la noblesse. Chaque individu, chaque famille, chaque personne morale, communauté ou institution a toujours été libre d’adopter les armoiries de son choix et d’en faire l’usage privé qui lui plaisait, à la condition de ne pas usurper les armoiries d’autrui. »

    Et l’auteur ajoute : « c’est un peu comme la carte de visite d’aujourd’hui : chacun peut en posséder mais tout le monde n’en possède pas. »L'art héraldique au Moyen Age

    Jusqu’au XIIIème siècle, les armoiries restent attachées à un fief et non à une famille ; elles sont notamment un signe de reconnaissance sur les champs de bataille. Elles se transmettent de manière héréditaire. Au XIIème siècle, la « jeune héraldique tire son héritage des sceaux et des monnaies ».

    Concernant les villes, dès le XIIIème siècle, elles reprennent comme armoiries celles de leur seigneur, de leur fondateur ou les attributs de leur Saint Patron ;

    Voici quelques exemples :

    • un ours pour Berne (Bär / Bern)
    • une fleur de lys pour Florence (Flos / Florentia)
    • un lion pour Lyon
    • une roue de moulin pour Mulhouse (Mühle / Mühlhause)

    L'art héraldique au Moyen Age

    Toutes les armoiries sont soumises aux différentes règles du blason et puisent dans le même répertoire de couleurs et de figures.

    Couleurs et règles d’association

    L’héraldique n’emploie que 6 couleurs, plus une dernière, citées par ordre de préférence :

    L'art héraldique au Moyen Age

    L'art héraldique au Moyen AgeL’auteur M. PASTOUREAU précise toutefois qu’il ne suit pas le classement habituel des héraldistes modernes qui qualifient les couleurs d’émaux et les subdivisent en métaux et couleurs proprement dites.

    Il est interdit de juxtaposer ou de superposer 2 couleurs d’un même groupe ; l’origine de cette pratique reste inexpliquée. On suppose une meilleure lisibilité….

    Une originalité de l’héraldique est à souligner : l’emploi de deux fourrures, le vair (écureuil) et l’hermine, toutes deux bichromes dans leur représentation mais pensées comme monochrome dans leur réalisation ; elles sont l’héritage d’un héraldique primitif.

    Si le nombre des couleurs est fixé à 7, le répertoire des figures des figures est ouvert à toute imagination.

    Le bestiaireL'art héraldique au Moyen Age

    Le roi du bestiaire reste le lion ; mais l’aigle n’en est pas moins vedette.

    Chez les Germains, Celtes ou Slaves, le bestiaire des guerriers s’articule autour de l’ours, le sanglier, le cerf, le loup, l’aigle, le corbeau, le cygne, le cheval, le saumon et le dragon (serpent).

    « Qui n’a pas d’armes porte un lion » (Adage du XIIème siècle)

    Le lion est paré de toutes les vertus : force, courage, fierté, générosité, justice. Il est le symbole du pouvoir.

    Il est souvent représenté de profil ; il peut avoir la tête de face, il se nomme alors « léopard ».

    Dans les bestiaires médiévaux, le léopard a la réputation d’être un animal « bâtard », cruel et diabolique.

    L'art héraldique au Moyen AgeL’aigle du blason (toujours employé au féminin / une aigle = aquila, en latin) est toujours représentée le corps de face et la tête de profil, avec bec et serres proéminents.

    Le corbeau, attribut d’Odin, figure tutélaire, est un oiseau qui sait tout et voit tout. Très tôt, l’Église a déclaré la guerre au corbeau, soulignant son rôle néfaste dans la genèse (Arche de Noé). Sa couleur noire est symbole de mort. Comme l’ours et le sanglier, il est un ennemi du Christ.

    La symbolique héraldique

    L’héraldique « traditionnelle » s’appuie sur l’héraldique familiale et l’histoire de l’art.

    L’héraldique « nouvelle » née dans les années 1960, s’aventure sur le terrain des mentalités et des sensibilités.

    « Qui sait identifier des armoiries peut ainsi y lire la place d’un personnage au sein d’une famille, ses différents mariages, parfois ses titres et ses fonctions ; il peut y lire aussi les origines de cette famille, sa situation à l’intérieur d’un lignage, l’histoire de ses alliances et de ses ramifications. Ce faisant, il lui est possible de distinguer des homonymes, d’établir des filiations, de reconstituer des parentés. De même que la généalogie est une science auxiliaire de l’héraldique, de même l’héraldique est depuis longtemps une science auxiliaire de la généalogie ».

    Toutefois, le profane est bien incapable de saisir la signification des armoiries – sans explication – car ces dernier ne sont pas des symboles mais des emblèmes.

    IL est souvent nécessaire de corréler légende, histoire et couleurs d’une époque, d’une région, d’une classe et/ou d’une catégorie sociale, tout en mettant en valeur des faits culturels et/ou politiques. Beaucoup de constante pour une non-initiée comme moi !

    L'art héraldique au Moyen Age

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  • Elle s'appelait SarahDeux tranches de vie se déroulent en parallèle, séparées par le temps et l’Histoire mais réunies par d’étranges coïncidences.

    Paris, juillet 1942 : Sarah, une petite fille de dix ans, est arrêtée avec ses parents au milieu de la nuit. Paniquée, elle met son petit frère Michel à l'abri en lui promettant de revenir le libérer dès que possible...

    Paris, mai 2002 : Julia, une journaliste américaine installée en France depuis 20 ans, doit couvrir la commémoration de la rafle du Vél d'Hiv.

    Soixante ans après, son chemin va donc croiser celui de Sarah, et sa vie ne sera plus jamais comme avant...

    Ce livre est un roman bouleversant…. C’est l’histoire de deux familles liée par un terrible secret. C'est également l'évocation d'une des pages les plus sombres de l'Occupation : la délation, la « marque du mal », la peur bien légitime des Parisiens, mais aussi la solidarité.

    Mélange d'événements anciens et contemporains, cette narration est un suspense tel que je n’ai pu lâcher mon livre avant la dernière page. Ce récit rend hommage aux victimes de la barbarie nazie, et rappelle la déportation des enfants, traumatisés à vie. Elle s’appelait Sarah, mais personne ne sait qui elle était….

    Journaliste franco-britannique, Tatiana de Rosnay est un écrivain et scénariste contemporain. Pour l’écriture de ce roman, elle a reçu

    • le prix Gabrielle-d'Estrées en 2007

    • le prix des lecteurs de Corse en 2008

    • le prix Chronos - Catégorie Lycéens en 2008

    • Prix du Livre de poche - Catégorie Le Choix des libraires en 2008

     

    Pour en savoir plus :Elle s'appelait Sarah

    Les derniers témoins de la rafle du Vel d’Hiv

    La rafle du Vel d'Hiv, le 16 juillet 1942 | Archive INA

    Au cœur de l'Histoire: La rafle du Vél d’Hiv (Franck Ferrand)

    Histoire d'un lieu : le Vélodrome d’Hiver

    16 juillet 1942 - Vélodrome d'Hiver

    Camp de Beaune-la-Rolande (AJPN)

    Histoire : découverte d'un film tourné en 1941 dans le camp de Beaune-la-Rolande

    Des vestiges du camp de Beaune la Rolande restaurés par le Cercil

    Camp de transit de Beaune-la-Rolande

    Elle s'appelait Sarah

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  • Le gosse de V. OLMIJoseph est né le 8 juillet 1919 à Paris ; c’est un petit bonhomme heureux qui vit entre sa mère, plumassière, sa grand-mère qui perd la tête, ses copains du foot et les gens du faubourg. Mais la vie va se charger de lui voler son innocence et sa jeunesse….. Son univers de « titi parisien » bascule le jour où sa mère disparaît et sa grand-mère est internée à Saint-Anne, où il devient pupille de l'État, un État qui a résolument mis en place tout un système de « protection de l’enfance », dont les bonnes intentions sont pavées de cruauté mais aussi de profit.

    L’histoire de ce petit garçon est bouleversante ; l’auteure Véronique Olmi nous invite à suivre l’itinéraire d’un gosse de 7 ans, qui a perdu son père à la fin de la guerre 14-18 puis sa mère victime d’un avortement clandestin qui a mal tourné. Ce livre est déchirant, criant de douleur, brutal, violent, vivant…. Et pourtant, je ne l’ai pas lâché avant de connaître la fin !

    Joseph, « il est simplement d’une autre espèce, l’espèce de l’Assistance, il est orphelin comme on est blond, riche, boiteux, ou fille de directeur. »

    Au travers de ce récit, Véronique OLMI nous raconte l'histoire de jeunes enfants orphelins,Le gosse de V. OLMI incarcérés dans des bagnes pour enfants dans la première moitié du XXe siècle ; le «redressement» et le travail à outrance, jusqu’à l’épuisement total, remplacent éducation et culture ; les enfants sont asservis à des travaux harassants dans les champs ou à la blanchisserie, anéantis, esclavagés et soumis aux tortures les plus variées ; et Dieu sait que leurs geôliers ont de l’imagination pour contraindre et déshumaniser...

    Les sœurs, parlons-en, elles n’ont pas leur pareil pour débusquer et dénoncer les petits colons : « les fautes de la semaine s’accumulent, celles de chaque famille sont notées, et tous les matins, avant leur départ pour l’atelier, on rassemble les colons et chaque chef d’atelier fait son rapport au surveillant-chef : désordre, paresse, bavardage, chant, parole immorale, insubordination, échange de bérets, possession de tabac, vol, guet, maraudage… Tout est consigné. »

    De la prison de la Petite Roquette à la colonie pénitentiaire de Mettray, Joseph va connaître l’horreur, et le mot est léger. « Il a appris à laver le linge, à manier le fusil, à se battre, à supporter le froid, la faim et la bêtise, le règlement absurde, la loi des hommesqui se placent sous la loi d’un Dieu vengeur. »

    « Joseph doit faire le salut militaire à chaque fois qu’il croise un supérieur, mais il s’y perd : directeur, sous-directeur, inspecteur, aumônier, prévôt du quartier, surveillant général, surveillants-chefs, surveillants, chefs de famille, chefs d’atelier, frères ainés… Qui n’a pas quelqu’un au-dessus et au-dessous de lui ?

    Le gosse de V. OLMIIl y a les caïds aussi, bien sûr, pour compléter la hiérarchie. Mais les mères, les grands-mères, les sœurs, sont invisibles évidemment, et on en parle comme des filles perdues, des putains, des bonniches et des hystériques. Ici comme en Picardie, se dit Joseph, elles sont comme Dieu : on ne les voit jamais mais elles sont partout, et on y pense tout le temps. On ne pense qu’à elles. »

    De la fin de la 1ère guerre mondiale jusqu’à la montée du nazisme en passant par les victoires du Front Populaire, l’auteur nous entraîne avec brio dans ce Paris d'entre-deux guerres, la vie nocturne d'une capitale cosmopolite, bruyante, vivante, avec ses clubs de jazz, ses cabarets, ses spectacles de music-hall. Au sortir du bagne, Joseph reste enfermée dans son carcan ; les traumatismes sont profonds et rendent compliquée la réadaptation à la vie extérieure.

    Et même si son enfance a été saccagée et mise à mal, Joseph entrevoit peu à peu le bout du tunnel ; la résilience amène une petite note porteuse d’espoir quand bien même le spectre de la seconde guerre mondiale pointe le bout de son nez.

    Pour en savoir plus :

    Les nautes de Paris

    La Petite Roquette, la prison des enfants mauditsLe gosse de V. OLMI

    Wikipedia

    Le scandale de Mettray (1909) : le trait enténébré et la campagne de presse

    Un jour à Mettray

    La colonie agricole de Mettray

    Au sujet des décès des enfants de la colonie agricole et pénitentiaire de Mettray en Touraine (Histoire pénitentiaire et justice militaire)

    Ancienne colonie agricole et pénitentiaire à Mettray (Carte des monuments historiques français)

    Cartes postales « les colonies »

    Le Journal des débats salue ainsi le système éducatif de la colonie , présenté comme un modèle du genre (Retronews)

    La chasse à l’enfant – Jacques Prévert

    « Bagnes d’enfants » (Ministère de la Justice)

    De l’isolement aux « bagnes pour enfants » : l'impitoyable justice des mineurs française (National Geographic)

    Cirques, hippodromes et pantomimes (Gallica)

    Le gosse de V. OLMI

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